C’est un mot qui raisonne dans les salles de marchés depuis plus de trois mois. La reflation est une hausse des prix liée à une politique de relance économique. Cette dernière peut être soit budgétaire (augmentation des dépenses publiques), soit monétaire (augmentation de la masse monétaire). Son objectif principal est d’atténuer les effets d’une récession afin d’éviter une baisse des prix, synonyme de déflation des actifs financiers et immobiliers. La crise sanitaire a été si violente, avec ses nombreuses restrictions, qu’il a fallu adopter des remèdes « de cheval ». Les États et les banques centrales ont sorti l’artillerie lourde : plans de dépenses et d’achats d’actifs gigantesques (plus de 10 000 milliards de dollars en cumulé), couplés à des taux directeurs nuls ou négatifs.
On peut dire que le premier objectif de contrer une baisse des prix a été atteint très rapidement. Aux États-Unis, les anticipations d’inflation (mesurer par le taux des swaps d’inflation à 5 ans dans 5 ans) se sont vite redressées. Après un plus bas le 23 mars à 0,71 %, cet indicateur a retrouvé, dès la fin août, son niveau d’avant crise à 1,70 %. Celui-ci a connu ensuite une progression continue, depuis les résultats positifs des premiers vaccins contre le SARS-CoV-2 début novembre, pour atteindre, le 16 février, un pic inédit depuis 10 ans à 2,39 %.
La reflation est traditionnellement positive pour les actions. Dans cette période, les gestions procèdent à deux types d’arbitrages financiers. Le premier consiste à réduire dans les portefeuilles, le poids des actifs à coupons fixes (obligations) au profit de ceux distribuant des dividendes (actions). Le second correspond, au sein des actifs risqués, à céder les secteurs défensifs, au profit de ceux cycliques. L’histoire s’est répétée une nouvelle fois, puisque depuis août dernier, le taux des obligations souveraines à 10 ans aux États-Unis est passé de 0,60 % à 1,33 % le 17 février. L’indice des actions S&P 500 a nettement progressé de 19,65 % avec une distinction particulière pour celui des financières (+33,17 %) et une nette sous-performance (+2,2 %) des utilities (services publiques), secteur typiquement défensif. Les flux sont positifs vers les actions depuis l’été dernier, avec une collecte hebdomadaire record dans les fonds actions dans le monde la semaine dernière, dépassant ainsi 50 milliards de dollars.
La crise sanitaire à réduit l’offre mondiale, d’où une remontée des matières premières et des indices de prix. Le problème est que les anticipations d’inflation (2,39 %) sont dorénavant supérieures à la cible d’inflation à long terme des banques centrales (2 %). Cette situation inquiète les investisseurs, qui craignent un tour de vis des institutions monétaires, entraînant récemment une nette hausse des taux longs (+0,30 % depuis le 27 janvier). Pourtant historiquement en sortie de récession, ceux-ci progressent de plus d’1 % et n’altèrent pas la performance positive des actions. On peut noter deux exceptions. Celles de 1994 et de 2013, quand la FED a surpris négativement le marché, respectivement par une hausse des taux directeurs et par la réduction progressive d’un programme d’achats d’actifs (« Tapering »). Ces erreurs ont été retenues et les récents communiqués des banquiers centraux visent à rassurer sur le caractère provisoire de l’inflation. Celle-ci devrait progresser au-delà des 1,4 % (pour le CPI américain et pour l’indice de base dans la zone euro), au cours de l’année, avant de se modérer. Le tout dans un contexte de taux réels toujours négatifs.