Nous y sommes ! Le seuil des 1,50 % pour le rendement à 10 ans des obligations souveraines américaines a été franchi provisoirement ce jeudi 25 février. C’est un niveau symbolique, puisqu’il correspond plus ou moins au rendement des actions américaines, sous forme de dividendes. Ce phénomène s’est produit cinq fois au cours de ces quinze dernières années. Dans 100 % des cas, la valeur de l’indice S&P 500 était à un niveau supérieur 6 mois après cet évènement. Alors pourquoi les investisseurs s’inquiètent-ils ?
Tout d’abord, par effet d’actualisation, cette brutale remontée des taux longs fait plonger les actions les plus chères du marché, à savoir les valeurs technologiques. Ainsi, l’indice Nasdaq 100 a cédé, en huit séances, tous ses gains depuis le début de l’année, soit une baisse de plus de 7 %. Ce secteur pèse pour un tiers des constituants de l’indice vedette de la bourse outre-Atlantique, le S&P 500. Ceci explique en grande partie sa sous-performance récente face à ses comparables européens, plus cycliques. Ces derniers profitent également de la rotation sectorielle, que nous avons décrite la semaine dernière.
Ensuite, la hausse nominale des obligations d’États a été brutale, puisque celle-ci avoisine respectivement les 0,50 % en moins d’un mois. C’est également un seuil critique, car la tension sur les taux réels a été de même ampleur (0,46 %). Historiquement, la corrélation entre actifs risqués et les obligations dits « sans risque » est positive. On peut recenser deux types d’exception sur le court terme. Quand les banques centrales durcissent leur politique monétaire par surprise et quand l’ampleur de la hausse des taux réels dépasse les 0,50 %. Or, La Fed et la BCE ont multiplié récemment, en vain, les messages accommodants. Cette rhétorique n’a pas fonctionné et la crédibilité de leurs discours se voit défiée de fait par les marchés. Les grands argentiers vont donc devoir trouver une parade pour reprendre la main. Cependant, aucune réunion n’est officiellement prévue avant le 11 et 17 mars prochain. La volatilité devrait donc rester élevée ces prochaines semaines, sans toutefois remettre en cause les perspectives de reprise d’activité et de croissance des résultats. Ce sont les véritables facteurs déterminants de bonne tenue des actions quand les taux d’emprunt remontent.
Sur ce plan, les données économiques récentes sont plutôt rassurantes, comme en témoignent les indicateurs de surprises économiques aux États-Unis et en zone euro, en forte progression depuis un mois (respectivement de 20 et 40 points). Ceci est le reflet d’une série de chiffres meilleurs que prévus (PMI manufacturier, indicateurs avancés, ventes de logement, confiance des consommateurs). En l’absence de mauvaises nouvelles sur le front sanitaire malgré les variants, les fondamentaux militent pour une période de flottement temporaire des marchés, comme ce fut le cas dans le passé.