Ces mots de François Mauriac illustrent parfaitement le défi auquel nous devons faire face pour explorer l’espace de manière durable. La course à laquelle nous assistons en ce moment entre Richard Branson, Jeff Bezos et Elon Musk pourrait nous ramener à la guerre froide et cette obnubilation d’être à tout prix le premier. Au-delà du tourisme spatial, qui ne restera accessible qu’à une minorité de personnes, l’enjeu est de taille pour ces sociétés dont l’objectif est de mettre en place des constellations de satellites avant que la régulation internationale ne devienne trop contraignante. Amazon développe le projet Kuiper, 3200 satellites en orbite basse permettant un accès haut débit. OneWeb prévoit 600 satellites et Starlink, développé par SpaceX, prévoit à horizon 2025 de maintenir 12000 satellites en orbite. Or toutes ces constellations ont le même objectif : donner (ou plutôt vendre…) un accès internet en tout point du globe. Se pose alors la question de l’intérêt de surcharger inutilement l’orbite terrestre avec les désagréments que cela suppose.
Le syndrome de Kessler évoquait déjà une possible saturation de l’orbite basse dès 1978. L’augmentation du nombre d’objets en orbite basse pourrait à terme rendre impossible l’exploration spatiale pour plusieurs générations. La vitesse relative de certains débris peut dépasser les 10 km/s (ndlr: 10x plus rapide qu’une balle de sniper) et rend donc extrêmement dangereux tout impact. La station spatiale internationale doit notamment effectuer chaque année des manœuvres d’évitement, mais des millions de débris sont trop petits pour être surveillés. Qu’en sera-t-il lorsque les milliers de satellites que nous lançons aujourd’hui ne seront plus en état de fonctionner ?
Ces questions ne doivent absolument pas remettre en cause l’intérêt de l’exploration spatiale qui permettra de faire face à de nombreuses problématiques dont le réchauffement climatique, l’élévation du niveau de la mer ou encore l’extinction de la biodiversité. Mais le vide juridique qui règne aujourd’hui dans l’espace devra être rapidement comblé dans les prochaines années avant que l’on atteigne un point de non-retour. D’autant que les ressources spatiales sont convoitées par les grandes nations qui y voient un eldorado. Les 100.000 tonnes d’Hélium 3 déposées sur la Lune par les vents solaires pourraient fournir de l’énergie à toute la planète pendant plusieurs millénaires. La fusion nucléaire de l’Hélium 3 ne produit pas de déchet radioactif, simplement de l’Hélium 4 et des protons (de l’hydrogène). On comprend dès lors l’intérêt notable de la Chine pour les récentes missions lunaires !