Le marché est en train de modifier son scénario économique. Les investisseurs font preuve d’une certaine aversion au risque ces dernières semaines, en témoignent la forte baisse des taux longs, ainsi que celle des valeurs cycliques et des financières, couplée à la hausse du dollar et du yen. Le niveau actuel des taux souverains à 10 ans (1,29% aux États-Unis et -0,43% en Allemagne) n’est pas compatible avec une croissance forte et une inflation bien au-dessus du seuil des 2%, comme celle enregistrée outre-Atlantique en juin à 5,4% sur un an glissant. Le marché obligataire est revenu en prix à ceux de février dernier, avant le dernier confinement en Europe. En toute logique, on peut conclure que les opérateurs anticipent des prochaines restrictions fortes liées à cette quatrième vague provoquée par le variant delta. Selon des simulations effectuées par l’Institut Pasteur, nos hôpitaux devraient être saturés dès la fin août avec un taux de reproduction du virus (R0) de 2. C’est exactement le chiffre publié par le gouvernement le 17 juillet pour la France. Toutefois, cette donnée devrait nettement diminuer après l’instauration du pass sanitaire obligatoire dans de nombreux lieux publics le 1er août.
La clé pour ne pas reconfiner nationalement est de bloquer la contamination inter générationnelle, entre les jeunes festifs, souvent non vaccinés, et la population plus vulnérable, ainsi que d’augmenter le nombre de vaccinés. Or, les dernières données d’efficacité des vaccins à ARN messager contre la souche indienne, réellement constatées en Angleterre, en Israël et à Singapour sont plutôt rassurantes, avec une protection contre les hospitalisations de 79% à 91% selon les études. De surcroît, la charge virale mesurée chez les vaccinés est bien moindre (de 2 à 5 fois inférieure) et surtout détectable sur une période plus courte (3 jours contre 10 jours chez les non-vaccinés). Ce qui corrobore la thèse d’une plus faible contagiosité en intensité et en durée. Tous ces éléments font que nous maintenons un scénario de non-confinement généralisé, malgré un nombre de cas détectés au-dessus des pics précédents, au profit de mesures ciblées géographiquement et au détriment des non vaccinés. Cette discrimination choquante peut s’avérer être très efficace et permettre la non-saturation de notre système de santé.
Revenons aux prévisions de croissance. Celles-ci restent robustes aux États-Unis, avec une progression annualisée du PIB de 7% et 5% pour les deux derniers trimestres 2021. En zone euro, on est sur des niveaux encore plus élevés (9% et 5,2%). Les anticipations pour les deux continents sont au-dessus de 4% pour l’année 2022. La normalisation est prévue pour 2023, avec une croissance de l’ordre de 2% de part et d’autre de l’Atlantique. En ce qui concerne l’inflation anticipée, celle-ci ressort à 2,3% sur 10 ans, selon les obligations indexées, et à 2,10%, selon les swaps à 5 ans dans 5 ans. Les investisseurs adhèrent donc à la thèse sur son aspect transitoire. Même dans ce scénario, les banques centrales arrêteront progressivement leurs achats d’actifs, entrainant une hausse des taux longs. Leur niveau actuel n’est donc pas le fruit d’une anticipation, mais celui d’un excès de liquidités et d’une aversion au risque élevée.