Est-ce un « Fed paradox » ? La banque centrale américaine vient d’annoncer, ce mercredi 15 décembre, une accélération de son « tapering », soit la fin de son programme d’achats d’actifs pour mars au lieu de juin 2022. L’institution a également indiqué, via son fameux graphique intitulé « dots », censé représenter les projections de ses membres, que ses taux directeurs seraient au-dessus de 1,5% fin 2023. Cela équivaut à 3 hausses annuelles de taux en 2022 et en 2023, donc clairement à un début d’un cycle de durcissement monétaire dès juin prochain. Curieusement, cette nouvelle a entraîné une hausse des marchés actions. Pourquoi ?
On peut trouver un tas d’explications à cette réaction, qu’elles soient techniques (rachat de positions vendeuses à l’approche de la journée de vendredi des échéances des dérivés surnommée les trois sorcières, début de rallye de fin d’année), ou plus recherchées (meilleure lutte contre l’inflation qui pressure actuellement les marges des entreprises). La véritable raison fondamentale est simple : l’Histoire a démontré qu’un cycle de resserrements monétaires n’entrave pas la hausse des marchés actions, à condition qu’elle intervienne en même temps qu’une progression des profits des entreprises. Au cours de ces trente dernières années, la Fed a durcit sa politique monétaire pendant quatre périodes, dans le sillage de la reprise économique, sans entraver la dynamique haussière des marchés actions.
Une nouvelle page devrait donc s’ouvrir en juin prochain. Mais rien n’est moins sûr, car nous sommes dans la période de préannonce, où la Fed commence à préparer les investisseurs plus de 6 mois en avance, au cas où, et en précisant que son action sera graduelle, en fonction de l’évolution des conditions économiques. Dans le passé, ces phases transitoires étaient synonymes de plus de volatilité et de biais sectoriels plus marqués. Les variants Delta et Omicron brouillent actuellement les cartes, avec des possibles restrictions supplémentaires en Europe et aux USA. Cette conjugaison de banques centrales plus restrictives et de crise épidémique qui perdure pèse sur les taux longs et fait bondir les taux courts aux ÉtatsUnis, d’où un aplatissement de la courbe obligataire. Cette tendance favorise traditionnellement les valeurs de croissance, surreprésentées dans les indices américains. C’est la raison de la forte réaction positive du NASDAQ mercredi soir, qui a ensuite cédé tous ses gains le lendemain, parce que les traders ne croient pas à ce calendrier présenté par l’institution monétaire américaine. Ne spéculons pas et concentrons-nous plutôt sur les fondamentaux, à savoir la croissance bénéficiaire des entreprises, au cas par cas dans cet environnement si particulier de crise sanitaire et d’inflation. D’ailleurs en novembre, les derniers indicateurs PMI manufacturiers en zone euro et aux États-Unis se maintiennent à un niveau très élevé (au-dessus de 57), alors que celui des services s’est effondré en Allemagne à 48,4, soit en-dessous de 50, le niveau fatidique de décroissance. Certains économistes prévoient désormais outre-Rhin une contraction du PIB au quatrième trimestre. Le redémarrage en 2022 favorisera la croissance des bénéfices, le tout avec une contraction des multiples de valorisation, typique dans un scénario de milieu de cycle d’expansion économique.