Les colombes de la paix se font prier en Ukraine. Deux semaines après le début de l’invasion et une pluie de bombes, les pourparlers n’ont abouti à rien de concret, hormis quelques couloirs humanitaires. Le conflit se poursuit donc, avec ses horreurs au quotidien et une menace nucléaire permanente. Malgré l’environnement incertain, les marchés semblent avoir trouvé un point bas, à court terme, en ce début de séance du lundi 7 février. Pourquoi ? Tout simplement parce que l’impact des risques ukrainien et russe dans les comptes étaient déjà intégrés dans les cours.
Prenons un exemple concret avec un titre du secteur financier, tant boudé par les investisseurs depuis un mois : Crédit Agricole SA. La société a communiqué une présence directe dans les deux pays, avec un impact marginal (moins de 1 %), tant au niveau du résultat cumulé avant impôts (63 millions d’euros), que des fonds propres engagés (moins de 400 millions d’euros). Cela doit se comparer avec un résultat avant impôts anticipé de 7,8 milliards d’euros pour 2022 et des fonds propres de presque 45 milliards d’euros. Le total des crédits et divers engagements dans cette zone équivaut à un maximum de 6 milliards d’euros (soit un montant inférieur aux profits d’un exercice annuel). L’entreprise a également annoncé que cet évènement ne remettrait pas en cause le paiement du dividende versé en 2022, car le ratio de solvabilité (dit « core tier one ») s’élevait à 11,9 %, bien au-dessus des exigences règlementaires. Le marché étant extrêmement volatil, le titre en bourse a connu une variation de plus de 20% cette semaine (entre 9 € et 10,8 €) ! De plus, sur son niveau le plus bas, la chute depuis le 14 février dépassait 35 %, soit une baisse de plus de 15 milliards d’euros de capitalisation boursière. C’est évidemment excessif par rapport aux encours impactés concernés.
Alors, pourquoi les acheteurs délaissent-ils toujours ce secteur financier, si les risques du conflit sont connus ? Une des explications est que le marché est entré dans une logique d’anticipation de la possible récession provoquée par le choc actuel liée à la flambée des matières premières. Les analystes sont en train d’intégrer une remontée du coût du risque pour les prochains trimestres et une baisse de résultat opérationnel. C’est un scénario bien plus pessimiste que celui évoqué ce jeudi 10 mars par la Banque Centrale Européenne. La croissance pour 2022 a été révisée à la baisse de seulement 0,5 % à 3,7 % (contre 1,7 % de baisse pour d’autres économistes). En revanche, tout le monde est d’accord pour anticiper un monde post pandémique et post-conflit plus inflationniste. Désormais, la BCE prévoit cette année une hausse des prix de 5,1 %, bien au-dessus de la cible à moyen terme. Par conséquent, même si Christine Lagarde s’était présentée au début de son mandat comme une « chouette habile », qui se veut flexible dans ses actions à venir, toutes les colombes les plus douces qui l’entouraient se transforment peu à peu en faucons. L’institution n’a pas d’autre choix que d’accélérer la fin de son programme d’achats d’actifs pour cet été et ouvre la voie à une hausse des taux pour la fin de l’année. Dans ce contexte, le marché va rester volatil, en fonction des nouvelles du front et tant que les incertitudes liées au conflit et au choc actuel des matières premières ne seront ni levées, ni correctement évaluées.