C’est une phrase laconique de Vladimir Poutine, communiquée par l’agence russe Interfax ce mercredi 23 mars : « PASSONS AU PAIEMENT EN ROUBLES DU GAZ FOURNI À DES PAYS HOSTILES ». Les principaux États ciblés sont évidemment ceux de l’Union européenne, qui importent au total 155 milliards de mètres cubes de gaz par an. Si elle était adoptée prochainement, cette mesure constituerait une riposte aux sanctions occidentales contre la Russie, qui visaient à geler les avoirs de la banque centrale à l’étranger, en vue de freiner son aptitude à commercer avec le reste du monde. Les Allemands et les Italiens crient à une rupture de contrats, dont la clause de paiement était l’euro. Aurons-nous une alternative ? Pas si sûr et pas si simple…
Tout d’abord à court terme, il est impossible de se priver du gaz russe sans se restreindre, donc de s’imposer une croissance économique plus faible, voire une récession. Ensuite, le processus pour acquérir des roubles, dans cet environnement particulier, n’est pas encore cadré et constituerait clairement une violation des sanctions mises en place récemment. Nous sommes par conséquent face à un dilemme et c’est tout le but de cette démarche. Moscou veut pouvoir disposer librement de ses 500 à 700 millions de dollars de recettes quotidiennes (montant variant actuellement fortement en fonction de la flambée des cours). L’objectif est de recevoir directement des sommes colossales dans sa monnaie pour financer, entre autres, la guerre, mais également de faire monter sa devise. Les premières sanctions avaient fait chuter le rouble. L’annonce d’hier l’a fait grimpée provisoirement en séance de 10 % contre le dollar. L’enjeu est également d’améliorer ses termes d’échange afin de préserver, en quelques sorte, le pouvoir d’achat de la Russie. Un nouveau bras de fer s’annonce, surtout si l’idée d’achats groupés par les Européens fait son chemin avec un prix plancher, volontairement fixé en dessous du marché. En rétorsion, le Kremlin pourrait décider de réduire volontairement ses livraisons pour faire flamber davantage les cours.
Dans la situation actuelle, tout le monde campe sur ses positions et fait de la résistance. C’est malheureusement le cas en Ukraine, où le conflit s’éternise et s’enlise, avec plus de 10 millions de personnes ayant fui leurs habitations. Un prolongement de cette guerre serait humainement dramatique et négatif pour l’économie mondiale. Néanmoins, les banques centrales maintiennent également leur rhétorique de durcissement monétaire, avec une Fed déterminée à relever ses taux directeurs de 0,50 % en mai. Les taux longs continuent à se tendre (OAT à 10 ans à 1 %). Le côté positif est également la bonne tenue actuelle de l’activité en Occident, comme en témoigne les indicateurs préliminaires PMI de mars. Les pessimistes anticipaient une nette dégradation. Les indices composites sont ressortis à un niveau audessus des attentes en zone euro (54,5 au lieu de 53,8 anticipé), et en nette hausse aux États-Unis (58,5 contre 54,7 en février). Cela contribue à la bonne tenue des marchés boursiers dans ce contexte si compliqué.