Le salarié est roi aux États-Unis. 4,5 millions de personnes ont démissionné en mars, probablement pour trouver une meilleure rémunération dans une autre entreprise. Ces dernières n’ont pas d’autres choix que d’augmenter les salaires et d’offrir une palette d’autres avantages pour garder leurs employés. Cette position de force est le fruit d’un déséquilibre de plus en plus fort entre le nombre d’offres d’emploi disponibles, à un record historique de 11,55 millions et le nombre de chômeurs de 5,95 millions. Ce ratio entre les deux statistiques est proche de 2 (1,94) contre 1,2 avant la pandémie. La Fed voit cet emballement d’un très mauvais œil et se trouve contraint d’accélérer le rythme des hausses de taux.
Ce n’est pas nouveau qu’il soit difficile d’embaucher. Nous avions déjà commenté ce phénomène précédemment dans un édito, quand le nombre d’emplois offerts avait dépassé la barre des 10 millions en juillet 2021, contre 7 millions avant la pandémie. À l’époque, la Fed n’avait pas réagi, car le nombre de salariés était loin de retrouver son niveau d’avant pandémie (152,7 contre 158,7 millions) et le taux de chômage était à 5,4 % contre 3,5 % en février 2020. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas, le nombre total de salariés avoisinait la barre des 158,5 en mars dernier. 1,7 millions d’emplois ont été créés lors des trois derniers mois. Cette forte tension a été commentée plusieurs fois par le président de la Fed, lors de sa conférence de presse ce mercredi 4 mai. Tout est dit en une courte phrase : « Le marché du travail est extrêmement tendu et l’inflation est trop élevée ». Par conséquent, La banque centrale vient d’augmenter ses taux directeurs de 0,50 %, et promet d’autres mouvements de cette ampleur lors de ses prochaines réunions.
Curieusement, ce discours très musclé n’a pas effrayé les marchés américains, qui ont fortement progressé en fin de séance, après la décision de l’institution monétaire. L’explication est simple : cette action était totalement anticipée. Selon la courbe des taux, le niveau de 3 % des taux directeurs serait atteint en janvier 2023 contre 0,75 % au minimum et 1 % au maximum, fixé cette semaine. Les bourses mondiales avaient fortement corrigé précédemment et ont rebondi techniquement en fin de séance. Hélas, celui-ci a été de courte durée, car une autre statistique a affolé les investisseurs le lendemain. Celle de la hausse de 11,6 % du coût unitaire de la main d’œuvre, probablement liée à une chute de 7,5 % de la productivité et à la hausse des salaires. La crainte de ne pouvoir calmer cette surchauffe sans provoquer une récession a fait plonger l’indice Nasdaq de plus de 5 %.
Tout cet affolement se produit alors que les résultats des entreprises au premier trimestre, sont en grande majorité supérieurs aux attentes, surtout en Europe. Le double phénomène de baisse des actions, avec la poursuite d’une progression des bénéfices entraîne une baisse des multiples de valorisation à 13,6 fois pour 2022 pour le Vieux continent. Un niveau désormais inférieur à la moyenne historique de ces 15 dernières années. Malheureusement, dans cet environnement compliqué, les investisseurs sont perdus et ne tiennent pas compte de ces éléments fondamentaux, car ils redoutent une future révision à la baisse des résultats. Pour le moment, ils ont tort.