Ces mastodontes sont des indicateurs fiables de la consommation des ménages aux États-Unis. Il se trouve que Walmart, leader mondial de la grande distribution, vient de réaliser un chiffre d’affaires de plus de 141 milliards de dollars au premier trimestre de son exercice décalé. À titre de comparaison, notre champion national et européen Carrefour est loin derrière, avec des ventes à peine supérieures à 20 milliards d’euros, dont 9,6 seulement en France. La semaine a été médiocre pour les titres de la grande distribution outre Atlantique, secoués le jour de leur publication avec des chutes de 12,4% le 17 mai pour Walmart et de 24,5% le lendemain pour Target. Le bilan hebdomadaire est encore plus douloureux pour leurs actionnaires, car la baisse s’élève respectivement à 19,3% et 29,1%. Cette onde de choc a irradié toutes les valeurs de la consommation, non seulement aux États-Unis, mais également sur les autres continents. Ainsi, les contre-performances sont certes plus modestes mais négatives, soit -5,5% pour Carrefour et -6,8% pour le géant de l’agroalimentaire Nestlé. Sommes-nous proches de la récession ?
Au premier regard, la réponse est non, car l’activité des deux sociétés au pays de l’oncle Sam est en hausse de 3% environ. Malheureusement, il s’agit d’un effet trompe-l’œil lié à l’inflation. Ce qui a fortement inquiété les investisseurs, c’est que le digital n’est plus un vecteur de croissance et que les marges ressortent en forte pression, à cause de l’augmentation des prix des marchandises et des coûts du personnel. Cet effet ciseaux défavorable a été beaucoup plus marqué chez Target, car le taux de marge brute a baissé de 4,3% (de 30% à 25,7%) et la marge opérationnelle a fondu quasiment de moitié à 5,3% contre 9,8% auparavant. Dans cet univers inflationniste, il convient plus que jamais de se concentrer sur les acteurs à forte valeur ajoutée et disposant d’un fort « pricing power », c’est-à-dire une réelle capacité à faire passer des hausses de prix chez leurs clients, comme dans le secteur du luxe et de la santé. Le véritable souci repose sur le fait que le phénomène d’inflation est durable et généralisé. Dorénavant, le consommateur est contraint de faire des choix dans ses dépenses. Les grands distributeurs ont révélé également que le mix produit avait changé pour des achats plus tournés vers des produits de nécessité et moins sur du non essentiel, mieux margé. Ces signaux n’augurent rien de bon et les opérateurs surveillent plus que jamais les indicateurs économiques. Cette peur de la récession a calmé les tensions sur le marché obligataire, malgré les propos très haussiers du président de la FED, quant à l’évolution de ses taux directeurs, tant qu’il y aura de l’inflation. De facto, le taux souverain à 10 ans américain est passé de 3% à 2,85% en séance le 18 mai sur la publication de Target.
Malheureusement, la hausse des denrées alimentaires est vouée à durer, puisque le prix du blé a atteint un nouveau record historique en clôture à 438,25 euros la tonne le 17 mai. L’Inde a annoncé un blocage de ses exportations de blé, à la suite de la sécheresse qui frappe le pays ces derniers mois. La sécurité alimentaire dans de nombreuses régions est compromise avec la pénurie provoquée par l’invasion en Ukraine. À très court-terme, le véritable salut pour les marchés financiers devraient venir de la Chine, dont on attend plus que jamais le déconfinement, pour redémarrer la croissance mondiale et la chaîne d’approvisionnement pour diminuer l’inflation.