Le choc pétrolier et gazier que nous connaissons aujourd’hui, amplifié par l’invasion de l’Ukraine par la Russie, est comparable par son ampleur et son impact à celui de 1973, à en croire Bruno Le Maire.
À la différence que cette fois-ci, il n’a pas uniquement des origines conjoncturelles. L’envolée des prix de l’énergie et des matériaux dits stratégiques a également des causes structurelles profondes et a commencé bien avant la guerre en Ukraine et la pandémie.
La principale cause de cette inflation provient de la façon chaotique dont nous avons mené, lors des dernières années, la transition énergétique : sans planification et sans anticipation des obstacles à surmonter.
Ainsi, nous avons commencé à démanteler l’ancienne économie, faute notamment d’investissements dans les hydrocarbures. Nous n’avons pas bâti les fondations de la nouvelle économie, et que nous le voulions ou non, cette dernière a besoin de l’ancienne pour se développer. Les panneaux solaires, les éoliennes, les véhicules électriques ne peuvent pas être fabriqués, à l’heure actuelle, sans énergies fossiles.
Cette semaine, Elcom, la commission fédérale suisse de l’électricité, a averti qu’il y a des risques importants de coupures de courant pour l’hiver prochain. L’avertissement de la Suisse est loin d’être un cas isolé : le reste de l’Europe se prépare aussi à une flambée des prix de l’électricité l’hiver prochain et à des pénuries. Pour ne rien arranger, l’Union Européenne cherche à réduire sa dépendance à la Russie afin de mettre en place un embargo progressif des importations de pétrole et de gaz russes. Rappelons que la Russie est le deuxième producteur mondial d’or noir et qu’elle exporte les deux tiers de sa production vers l’Union Européenne.
Nous manquons et allons manquer de gaz, de pétrole ainsi que de matériaux essentiels à la transition (comme le lithium ou le cuivre) : nous sommes ainsi passés en quelques mois d’un monde d’abondance à un monde de pénuries. La Commission Européenne a fait d’énormes erreurs stratégiques et s’entête à reprocher, aux États et aux entreprises, ses propres erreurs. Dans un entretien publié dans Les Échos, Margrethe Vestager, commissaire européenne à la Concurrence, a reconnu que la dépendance énergétique vis-à-vis de la Russie, et aux métaux essentiels à la transition vis-à-vis de la Chine, relève plutôt de la cupidité que de la naïveté de l’Europe. En effet, l’industrie européenne s’est construite autour de l’énergie russe ainsi qu’autour de nombreux matériaux chinois car le coût était moindre. Ainsi, la Commission européenne a imposé une transition qui consiste à reproduire le modèle allemand du toutrenouvelable appuyé sur des centrales thermiques, créant ainsi la dépendance et la perte de souveraineté dénoncées par cette même Commission.
Pour en revenir à cette comparaison de 1973, Valéry Giscard d’Estaing, alors ministre des Finances, avait déclaré « En France, on n’a pas de pétrole, mais on a des idées ». Depuis 2004, date de la fermeture de la dernière mine de charbon française, la France n’est plus un pays minier. Cependant, le pays possède d’importantes ressources de lithium, de cuivre ou encore de tungstène. Redevenir producteur de métaux essentiels à la transition permettrait de relocaliser l’approvisionnement et d’assurer une indépendance vis-à-vis de la Chine.
La transition ne peut se faire sans justice sociale. Nous ne pouvons pas faire peser cette transition sur les populations plus vulnérables. De nombreux Français, et plus généralement de nombreux Européens, ont besoin de leur voiture pour vivre et aller travailler, ils ont encore besoin de pétrole. Interdire la vente de véhicules thermiques à horizon 2035 sans plan stratégique concret semble être une énorme erreur.
Malgré tout ces obstacles, il y a des raisons d’être optimiste. Maintenant que la réalité s’impose à nous, nous pouvons et devons prendre le problème à bras le corps. Nous avons la capacité de nous adapter plus rapidement que l’on ne l’imagine, nous l’avons prouvé dans les années 70. Dans un impératif de sécurité nationale, la France a lancé la construction de 58 réacteurs nucléaires en quelques années. Ces réacteurs sont encore le base de notre production électrique décarbonée. Nous pouvons encore nous en sortir.