C’est la panique chez les investisseurs ! L’inflation est plus persistante et diffuse que ne l’avait estimé les banques centrales. Celles-ci ont perdu leur crédibilité et sont donc contraintes de relever leurs taux directeurs d’une façon plus brutale et rapide pour reprendre le contrôle de la situation, faisant craindre un risque de récession et entraînant par ricochet la chute des marchés. Pourtant, nous revenons d’un forum où nous avons rencontré une quarantaine de dirigeants des plus grandes entreprises européennes, qui affichaient leur optimisme quant au niveau de leur activité, en très grande majorité au-dessus de celui d’avant la pandémie. Ce fort contraste de sentiment entre les financiers et l’économie réelle, inédit pour la plupart d’entre nous, est troublant, voir déconcertant. Que faire dans les allocations de portefeuilles ?
On ne va pas tourner autour du pot. Nous sommes actuellement dans un marché baissier, victime d’une contraction des multiples de valorisation liée à un cycle de relèvement de taux d’intérêt. On ne peut que constater, depuis début 2021, une nette contraction (de 35 %) du ratio cours sur bénéfice par action estimé pour l’année 2022 de l’indice Stoxx Europe 600, passant de 18 à 11,7 fois aujourd’hui. En réalité, ce phénomène s’est accéléré depuis le début de l’année (avec ce ratio passant de 16,6 à 11,7 fois). Ceci est sans aucun doute lié au durcissement monétaire entamé par la Fed face à une inflation plus forte et durable, cumulée à une situation géopolitique détériorée (guerre en Ukraine et bras de fer sino-américain sur Taïwan). Ces troubles sont malheureusement voués à persister ces prochains mois. Désormais, le multiple de valorisation du marché européen est en-dessous de sa moyenne historique depuis 2013, et seulement 5 % au-dessus du point bas du 16 mars 2020 de 11,14. Les actions redeviennent en théorie bon marché.
Toutes ces incertitudes ont démoralisé les investisseurs, notamment individuels, dont les enquêtes d’opinion (réalisés aux États-Unis par l’American Association of Individual Investors) révèlent que leur pessimisme est supérieur au niveau enregistré lors de la crise sanitaire de 2020 et lors des attentats du 11 septembre 2001. On se rapproche même des plus hauts historiques pour cet indicateur, observés lors de la crise financière de 2008- 2009 et de l’invasion du Koweït en 1990.
Ce désarroi extrême, avec un marché techniquement survendu, milite pour un rebond probable ces prochaines semaines, et nous incite à ne pas vendre davantage aux cours actuels. Pour autant, les sources d’inquiétudes évoquées ne semblent pas prêtes à s’estomper dans l’immédiat et nous laissent penser qu’il s’agirait d’un énième rebond dans un marché baissier, comme les précédents de cette année 2022.
Combien de temps cette situation va-t-elle durer ? La réponse est sans doute aussi longtemps que les banques centrales relèveront leurs taux directeurs et augmenteront leur scénario d’inflation. Sauf surprise positive inattendue, nous n’aurons pas de signal rassurant sur le sujet avant les prochaines réunions de la Fed du 27 juillet et du 21 septembre prochains. Par conséquent, nous n’augmentons pas actuellement nos expositions dans nos portefeuilles et procédons, tout au plus, à une légère prise de risque tactique dans l’éventualité du rebond évoqué précédemment.
Sommes-nous à la veille d’une baisse des profits des sociétés ? Il est fort probable que le niveau de marges brutes des entreprises baisse inexorablement à la suite de la forte hausse des intrants, partiellement compensée par des hausses des prix. Après la rencontre d’une quarantaine de dirigeants des plus grandes sociétés cotées européennes, nous sommes surpris par la confiance affichée par ceux-ci au sujet de l’activité et du carnet de commandes de leurs entreprises. Ce discours contraste fortement avec le pessimiste ambiant des financiers et nous conforte dans les publications à venir du deuxième trimestre. Qui a raison ? Nous devrions peut-être nous fier à Bernard Arnault, la troisième fortune mondiale, qui vient d’annoncer sa confiance dans les banques centrales dans leur capacité d’apprivoiser l’inflation sans provoquer de récession.