C’est un indicateur très surveillé par les opérateurs, car connu par le passé pour être annonciateur d’une récession. L’écart de taux entre les obligations à 10 ans (2,99%) et celles à 2 ans (3,01%), aux États-Unis, est désormais négatif. Avant tout, cette situation est un non-sens pour un créancier, même si cette différence de rémunération de 0,02% en faveur de la maturité la plus rapprochée est symbolique. Désormais, prêter de l’argent à l’État fédéral américain à long terme rapporte moins qu’à court terme. Le risque de défaut est sensé augmenter dans la durée et pour palier à cette probabilité de plus en plus forte, un emprunteur, quel qu’il soit, devrait payer une prime. Ce n’est plus le cas actuellement.
C’est la cinquième fois (2000,2006,2007,2019 et 2022) que ce phénomène se produit depuis les années 2000. Quelles ont-été les conséquences sur l’activité économique et sur les marchés financiers de ces évènements ? Est-ce le fruit d’une vraie anticipation, où la résultante d’une tendance économique en contradiction ou en décalage avec la politique monétaire de la banque centrale ? Nous avons analysé ces 5 périodes pour tirer quelques conclusions.
Il est vrai que la coïncidence est troublante. À chaque fois que cet écart de taux est devenu négatif, une contraction du PIB ou une récession s’est produite dans les 18 mois qui suivent. Ces faits inciteront certains à s’emballer sur ce modèle de prévisions, voire de devenir excessif en écrivant que la courbe des taux avait anticipé les attaques du 11 septembre 2001, la crise financière de 2008 ou la pandémie de 2020 ! Evidemment, tout ceci n’est que pure spéculation. En réalité, le point commun entre ces cinq périodes se trouve du coté de la FED. Elles correspondent toutes à un cycle, en cours ou juste terminé, de durcissement monétaire (1999-2000, 2004-2006, 2015-2019 et 2022). Il faut un deuxième paramètre essentiel pour faire tomber les taux longs à un niveau plus bas que ceux à 2 ans : Un fort ralentissement concomitant de la croissance. Ainsi, lorsque l’indicateur devient négatif en mars 2006, il survient à une époque où le PIB est passé à une expansion de 5,5% annualisé au premier trimestre à 1% au deuxième trimestre de cette année-là. On a assisté, tout simplement, à l’époque à un fort ralentissement et les opérateurs avaient anticipé le début imminent d’un nouveau cycle de baisse des taux. La réalité a été différente, puisque la croissance est repartie au quatrième trimestre 2006 (3,4%), pour se prolonger l’année suivante. Ce n’est qu’en septembre 2007, soit 18 mois plus tard, que la FED a initié un nouveau cycle de baisses de taux, avant la crise financière de 2008.
L’impact sur les marchés actions est historiquement fortement contrasté. Ainsi, l’inversion de la courbe des taux en février 2000, s’est soldée par une hausse de 10% environ de l’indice Standard & Poors jusqu’au mois de septembre suivant. Ce n’est qu’à cause de l’explosion de la bulle internet, suivi des attaques du 11 septembre 2001, que la bourse américaine a chuté, par la suite, de 38% jusqu’en mars 2003. Vous l’avez compris, tout dépend donc des circonstances au moment où l’évènement se produit. Cette année, ce même indice a déjà plongé de 20% à mi-juin, à cause de la correction de la plupart des titres de croissance. Même si certains économistes anticipent une récession fin 2022- début 2023, le véritable paramètre, qui va orienter les marchés actions repose sur les bénéfices des entreprises. Pour le moment, les anticipations ne baissent pas, à l’exception de celles pour les valeurs du Nasdaq. De ce fait, la saison des résultats du deuxième trimestre nous semble, pour le moment et à court terme, bien plus importante pour les bourses mondiales que l’inversion récente de la courbe des taux.