Les investisseurs portent-ils des œillères ? Sont-ils déconnectés de la réalité en achetant le marché aujourd’hui, en plein ralentissement économique, voire en récession ? Dans les faits, le rallye de fin d’année a commencé mi-octobre (quand le CAC valait autour de 5 800 points) et dure depuis 6 semaines. Tout a débuté par un phénomène technique, avec un excès de pessimisme, des allocations faiblement exposées en actions et en duration obligataire, et d’importantes couvertures en instruments dérivés lors d’une échéance mensuelle. C’était le positionnement idéal pour affronter une récession dans un monde inflationniste, dit de stagflation, de surcroît en plein durcissement monétaire. Cette première vague d’achats a duré deux semaines et a permis au marché d’affronter les décisions de la Fed du 2 novembre, capitalisant des gains de plus de 8 % sur les points bas. La digestion difficile d’un relèvement de taux directeurs de 0,75 %, avec un discours ferme de Jerome Powell n’aura duré que 24 heures. Tout s’est estompé très vite, avec la rumeur que la Chine allait abandonner sa politique zéro-Covid, ce qui a poussé l’indice CAC 40 3 % plus haut, proche des 6 400 points. En réalité, l’Empire du Milieu a adopté quelques mesures symboliques, mais subit actuellement sa pire épidémie de coronavirus depuis le printemps 2021. L’activité ne redémarrera donc pas avant plusieurs mois. Et pourtant les indices boursiers n’ont toujours pas retracé, car des chiffres d’inflation inférieurs aux attentes, publiés dès le 10 novembre, ont entraîné une troisième vague de hausse. Le point haut de mi-août a été dépassé, et revoici notre indice parisien sur son niveau de fin mars, vers 6 700 points. Et maintenant, que faire après un rebond de plus de 15 % ?
Historiquement, les points bas sur les marchés d’actions sont observés 5 à 7 mois avant le redémarrage de l’activité économique. De ce fait, ce que nous vivons actuellement n’est pas incohérent avec une reprise pour le deuxième trimestre 2023. Depuis le début de l’invasion en Ukraine, les investisseurs anticipaient une récession en zone euro pour fin 2022, avec une crise énergétique. Nous y sommes, mais avec des difficultés d’approvisionnement en produits pétroliers plus faibles. Néanmoins, tous les indicateurs PMI en France pour le mois de novembre sont désormais inférieurs au seuil des 50 (niveau d’équilibre entre expansion et contraction) aussi bien pour le manufacturier (49,1) que pour celui des services (49,4). Les ventes au détail en octobre dans l’Hexagone affichent une baisse de 5,45 % sur un an glissant, en nette décélération sur septembre (-1,7 %). Le véritable changement aux yeux des investisseurs, est le ralentissement de l’inflation aux États-Unis, qui ouvrirait une période de désinflation, synonyme de baisse des taux longs et donc d’une augmentation des multiples de valorisation. Ce phénomène se produit actuellement, car les rendements obligataires à 10 ans, depuis le 7 novembre, se sont fortement détendus de 0,50 % outre-Atlantique et de 0,60 % en France. Le dollar a également interrompu sa tendance haussière, avec une baisse de plus de 4 % sur cette même période. C’est un soulagement pour les actifs risqués, qui par effet d’actualisation, progressent. Reste à combattre la baisse des bénéfices par action et la politique monétaire restrictive des banques centrales pour 2023. En attendant, les adeptes « d’un sens vaut mieux que deux tu l’auras » peuvent prendre leurs bénéfices, en cédant les autres les plus fragiles. Les investisseurs à moyen terme, s’ils se projettent sur le monde d’après, se renforceront dans le temps et au gré des baisses à venir, sur des valeurs sensibles au cycles économiques et exposées à la croissance mondiale.