C’était Noël avant l’heure ce mardi 13 décembre. Le chiffre d’inflation de novembre aux États-Unis ressortait en-dessous des attentes et confirmait une décélération initiée les mois précédents. L’indice de base (hors inflation et énergie) affichait une modeste progression mensuelle de 0,2 %, après celle de 0,3 % en octobre, indiquant un rythme annualisé de 3 %, soit une nette tendance vers une normalisation. Nous sommes clairement entrés outre-Atlantique dans une période de désinflation (ralentissement de l’inflation), traditionnellement favorable aux marchés financiers, car synonyme d’augmentation des multiples de valorisation.
Malheureusement, cet enthousiasme et la perspective de passer de joyeuses fêtes ont été de courte durée, gâchés par les banques centrales. Dès le lendemain, la Fed a monté, comme prévu, ses taux directeurs de 0,50 %, portant le niveau maximal des Fed Funds à 4,50 %, mais son discours et ses anticipations pour 2023 ont été encore plus restrictifs. Dorénavant, les membres de l’institution financière, prévoient un niveau de taux de 5,10 % pour la fin de l’année prochaine, soit 0,6 % au-dessus des estimations des investisseurs, qui anticipaient des baisses de taux pour le second semestre. En 2023, le ralentissement de la croissance économique est prononcé (révisé à 0,5 % contre 1,2 % estimée en septembre dernier), contrairement à la hausse des prix qui resterait trop élevée (relevée à 3,1 % contre 2,8 % auparavant, selon l’indice PCE). Ce triste scénario de politique monétaire restrictive n’a pas été pris totalement aux sérieux par les opérateurs, avec une faible progression des rendements obligataires, qui se situent autour de 3,50 % à 10 ans et à 4,25 % à 2 ans. Avec la publication récente d’indicateurs économiques médiocres (contraction des ventes de détail et de la production industrielle en novembre), le doute s’installe sur la faculté de Fed à maintenir des taux élevés dans un contexte de ralentissement économique.
Le surlendemain, soit le 15 décembre, la Banque de Norvège, la Banque d’Angleterre et la BCE ont également relevé leurs taux directeurs (la première de 0,25 % et les deux autres de 0,50 %). Mais c’est, sans aucun doute, la conférence de presse de Christine Lagarde qui aura le plus marqué les esprits. Ressentant une remise en question de la crédibilité des grands argentiers, elle a été claire et sans équivoque. Malgré une faible contraction de l’activité évoquée pour ce trimestre et le suivant, la présidente de la Banque centrale européenne a annoncé une série de futurs relèvements lors des prochaines réunions, dont 0,50 % pour celle du 2 février prochain. Pour être sûre d’être bien comprise, elle a prévenu que le fameux pivot (passage d’une politique monétaire restrictive à accommodante), n’était pas du tout d’actualité.
Cette fois-ci, le message a été parfaitement entendu, avec une forte tension sur les rendements obligataires européens (le 10 ans allemand passant à 2,08 % contre 1,78 % le 7 décembre) et avec une chute journalière de plus de 3 % pour l’indice CAC40. Cela confirme notre pressentiment, décrit dans nos précédents éditos, que le marché était trop optimiste, avec un risque de déception à la clé. Les banquiers centraux rappellent les investisseurs à l’ordre, en indiquant que le durcissement monétaire sera plus long et avec des taux dits terminaux plus élevés que ce que ces derniers anticipaient. Dans cette phase négative pour les actifs risqués, maintenir un matelas de liquidités rémunérées, pour les réinvestir progressivement au fil de la baisse, nous semble une stratégie adaptée pour passer les fêtes et le début de l’année prochaine.