La saison des résultats du 4ème trimestre vient à peine de commencer et on peut déjà l’affirmer : le millésime 2022 battra tous les records. Jamais les grandes entreprises françaises, européennes et américaines n’ont gagné autant d’argent qu’au cours de l’année passée. Cette situation contraste fortement avec l’angoisse que nous avons vécue pendant douze longs mois, entre craintes de récession, guerre en Ukraine, inflation et forts durcissements monétaires, ayant provoqué un effondrement du marché obligataire. Cette bonne santé des poids lourds de la cote explique en grande partie la bonne tenue des indices boursiers en ce début 2023. Ces mastodontes sont avant tout les champions du monde dans leurs domaines respectifs et sont des machines extrêmement bien gérées, capables de s’adapter le mieux possible aux différents chocs. La digitalisation leur permet de remonter les informations de leurs différents sites en temps réel, renforçant leur réactivité. Évidemment, ce n’est pas le cas de tous les autres entreprises (petites et moyennes cotées ou non), qui sont encore plus agiles mais également plus vulnérables aux changements économiques, géopolitiques et climatiques.
Focalisons-nous tout d’abord sur la partie immergée de l’iceberg. Dans des secteurs totalement différents, Tesla (profitable depuis seulement l’année 2020) a annoncé, en dollar selon les normes comptables américaines, un résultat net de plus de 12,5 milliards, en hausse de 132 % pour un chiffre d’affaires de plus de 81 milliards, en progression de 55 %. Malgré des craintes sur la marge opérationnelle en 2023, le cours du titre s’est octroyé plus de 10 % le lendemain du communiqué. Après l’effondrement de 65 % en 2022, la valeur redevient investissable pour certaines personnes non sensibles aux polémiques de son dirigeant. LVMH affiche une croissance de ses revenus de 23 % et de 17 % de son résultat net, qui ressort à plus de 14 milliards d’euros. En dépit de cette solide performance, cette publication est jugée mitigée, car la profitabilité de l’entreprise est légèrement moindre qu’escomptée. Exceptée la division Mode et Maroquinerie, les autres branches du groupe ont nettement ralenti la cadence.
Évidemment, ces porte-drapeaux tirent les statistiques vers le haut. Les valeurs du CAC 40 devraient enregistrer, toutes sociétés confondues, des bénéfices par action en hausse de plus de 60 % par rapport à 2019, période avant la pandémie. Le grand gagnant cette année devrait être TotalÉnergies avec plus de 25 milliards d’euros de résultat net, en hausse de plus de 12 milliards par rapport à 2021 et 150 % de plus qu’en 2019. Cela permet de plus que compenser la baisse de 5 milliards d’euros d’Arcelor Mittal. En revanche, si on se base sur les sociétés membres du CAC Next 20, soit les 20 plus importantes capitalisations boursières après celles du CAC 40, alors les bénéfices par action devraient être 30 % inférieurs à ceux de 2019. Quid de 2023 ? La croissance estimée par les analystes des bénéfices par action est de 4 à 6 % pour l’indice CAC 40 et de 2 à 3 % pour l’indice Stoxx Europe 600. Aux États- Unis, ces mêmes données pour les 500 premières entreprises devraient connaitre une progression de 9 %. La palme reviendrait aux valeurs du Nasdaq100 avec une hausse de 15 %. Néanmoins, dans cet environnement encore incertain, les estimations divergent fortement et des pessimistes anticipent une baisse de 16 % en 2023 en Europe. Rien n’est donc joué et si les investisseurs ont compris en 2022 que rien n’était impossible (avec un conflit en Europe et le retour de l’inflation), ils savent que désormais tout est possible en 2023. À ce titre, BNP Paribas Exane n’exclut pas des prix à terme négatifs sur le gaz naturel, comme on l’a connu sur le pétrole au printemps 2020. Incroyable, alors que nous sommes dans une guerre d’approvisionnement !