C’était la statistique la plus importante de la semaine, celle capable de mettre un terme au rallye boursier initié fin septembre : le chiffre de l’inflation américaine. Dans la quiétude traditionnelle des salles de marchés avant ce type de publication, les opérateurs préparaient leurs ordres et astiquaient leur clavier pour être fins prêts pour l’heure « H ». Le verdict est tombé et au bout du compte, la hausse des prix en janvier aux États-Unis, sur un an glissant, continue de ralentir (6,4% contre 6,5% précédemment), mais à un rythme inférieur aux attentes (6,2%). Comme d’habitude dans ce genre d’évènements, les pessimistes et les optimistes opposent leurs arguments. Les premiers pointent du doigt que l’inflation mensuelle repart à la hausse à +0,5 %, y compris dans l’indice de base (+0,4 %), tiré par la composante des services, notamment ceux liés au logement. Les seconds soulignent que sur un rythme annualisé sur 3 mois, l’inflation de base ressort à 4,4 % contre 5,6 % actuellement. Donc la désinflation n’est pas morte et se poursuit plus doucement. De plus, l’effet de base à venir devrait être encore favorable, car l’indice mensuel en février et en mars 2022 avait progressé respectivement de 0,7 % et de 1 %. En réalité, les deux camps ont raison et se sont mis d’accord sur un fait indiscutable, à savoir que la Fed n’assouplira pas sa politique monétaire de sitôt. Les taux monétaires anticipés, se sont rapidement réajustés à la hausse conformément aux prévisions de la banque centrale, à savoir un taux maximal cette année à 5,25 %, suivi d’une pause prolongée.
La réaction des autres marchés a été très divergente. Les obligations ont baissé, avec des rendements à 10 ans en hausse de l’ordre de 0,20 % des deux côtés de l’Atlantique, tandis que les indices actions ont continué de progresser. Certains, comme le CAC 40 pendant la séance du 16 février, battaient leur record historique (7387,29 points) qui datait du 5 janvier 2021, avant de se replier avant la clôture. Cette décorrélation entre les marchés de taux et des actions, qui prévaut depuis la publication des chiffres de l’emploi américain du 3 février et d’autres statistiques économiques meilleures que prévu, intriguent. En effet, les taux longs ont retrouvé leur niveau de fin 2022, alors que les marchés d’actions en zone euro progressent de 10 à 12 %. Cela s’explique par le fait que nous sommes à quelques mois de la fin d’un cycle de durcissement monétaire et que les résultats des grandes entreprises sont de bonne facture. Air Liquide, Pernod Ricard, Schneider Electric et Carrefour ont rejoint le club des sociétés ayant battu le consensus des analystes pour 2022. D’ailleurs, les estimations de bénéfices pour l’année 2023 ont été légèrement revues à la hausse de plus d’un pourcent depuis fin janvier, même si elles restent prudentes, car en baisse de 2 % par rapport à l’année dernière. Ces prévisions vont s’affiner tout au long de l’année, selon le redémarrage ou non des chiffres d’affaires et de l’amélioration des marges.
Toutefois, ce renchérissement des marchés rend les actions vulnérables à toute mauvaise nouvelle, car leur valorisation s’est tendue (13,5 fois les bénéfices par action pour l’indice STOXX Europe 600 et à 18,5 fois pour l’indice S&P 500 américain). L’indice des prix à la production de janvier aux États-Unis a jeté de l’huile sur le feu, car il est ressorti à +0,7 % sur un mois, soit bien supérieur aux attentes (+0,4 %). Un rebond marqué des prix des biens industriels pourrait être la fin de la désinflation et la fin du fort rallye boursier depuis fin septembre. En attendant, une consolidation à court terme est de plus en plus probable.