C’est un fait officialisé cette semaine par un rapport du Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA) : l’Inde, actuellement avec 1 milliard 429 millions d’êtres humains, deviendra en 2023 le pays peuplé de la planète, devançant la Chine (1,426 milliards, hors Hong Kong et Macao dotés de 8,2 millions d’habitants). Même si ces chiffres peuvent être encore contestés, car aucun recensement officiel n’a eu lieu en Inde depuis 2011 pour cause de Covid en 2021, la tendance est claire et inéluctable. Ainsi, la population chinoise a baissé de 850 000 en 2022, tandis que la croissance de la population indienne dépassait largement les 10 millions. De plus, la différence du taux de fécondité par femme (2,0 pour l’Inde contre 1,2 pour La Chine) milite pour un phénomène durable. Ainsi, selon les projections publiées en 2022 par las Nations unies, l’Inde comptera 1,678 milliard d’habitants en 2075 contre 1,035 milliard en Chine.
Bien que le match soit déjà joué, il faut avouer qu’il existe un fossé énorme entre le niveau de vie des deux nations. Le PIB par habitant en Chine avoisine les 12 000 dollars, alors que celui de l’Inde atteint à peine les 2 000 dollars. L’espérance de vie en 2023 pour les hommes et les femmes est respectivement de 76 et 82 ans pour les Chinois, contre 71 et 74 ans pour les Indiens et les Indiennes.
Quel en est l’impact sur les plans économique et géopolitique ?
Il est évident que ces deux pays pèsent de plus en plus sur l’échiquier mondial et contribuent à ce que l’Asie Pacifique soit la région la plus importante et majoritaire, avec presque 4,2 milliards d’êtres humains sur un total dépassant les 8 milliards. Cela explique les considérations des nations occidentales, dans un environnement de guerre en Ukraine et de tensions entre la Chine et Taiwan. Pour l’année 2023, la croissance mondiale, selon le consensus des économistes sur Bloomberg, est estimée à 2,4 %. Cependant, celle-ci ne sera pas tirée par les pays développés, car l’augmentation du PIB devrait être de 0,6 % en zone euro et de 1,05 % aux États-Unis. En revanche, ceux de l’Inde et de la Chine devraient croître respectivement de 6,9 % et 5,3 %. Cela justifie d’en tenir compte dans les répartitions géographiques des allocations de portefeuille et explique les records battus par les indices boursiers en Europe, dans un contexte domestique plutôt morose.
À moyen terme, l’Inde dispose de nombreux atouts, en tant qu’un des 56 membres du Commonwealth, surtout quand la mondialisation marque le pas avec le sujet de la sécurisation des approvisionnements. Ainsi, le ratio du commerce mondiale des biens et des services sur PIB mondial est en baisse à 56,5 % en 2021, par rapport aux pics de 2008 et de 2011 dépassant les 60 %. Le Souscontinent indien ou la plus grande démocratie du monde est jeune (avec à peine 7 % de la population âgée de plus 65 ans contre 14 % en Chine et 22 % en France). Elle dispose donc, et pour de nombreuses décennies, du capital humain ou de l’énergie humaine la plus importante et pourrait potentiellement devenir le plus gros atelier de la planète. Toutefois, la balance commerciale reste déficitaire, car le pays reste un gros importateur de matières premières, notamment énergétiques. Traditionnellement, l’inflation est aussi plus élevée qu’ailleurs, avec des pointes au-delà de 7 % en 2019. Cet écart s’est également fortement réduit car le dernier chiffre ressort à 5,66 % sur un an glissant en mars, à comparer avec les 5,7 % en France pour la même période.
Cependant, le pays est loin d’être le plus stable au monde, avec 26 % de la population âgée de 10 à 24 ans, dont il sera difficile d’assurer un niveau de vie décent, par un travail suffisamment rémunérateur pour trouver un logement dans des agglomérations surpeuplées. Ce défi représente une menace pour le pouvoir en place et les investisseurs, dont il faut tenir compte.