L’horloge tourne et le compte à rebours a déjà été déclenché depuis plusieurs semaines. La secrétaire américaine au trésor, Janet Yellen, a averti à plusieurs reprises, que les États-Unis ne disposeront plus assez de liquidités, dès début juin, pour pouvoir honorer le paiement de ses factures et de ses créanciers. Un défaut est donc possible, faute d’un accord au Congrès pour le relèvement du plafond de la dette du pays. L’affaire est suffisamment prise au sérieux pour que Joe Biden lui-même, avec un de ses ennemis, le Républicain Kevin McCarthy, président de la Chambre des représentants, annoncent ce mercredi que le pays ne fera pas défaut, avec l’imminence d’un accord bipartisan. Les marchés sont soulagés et saluent cette initiative par une hausse des actions, des taux, du dollar et une baisse de l’or. Sommes-nous sauvés ? La réponse est oui probablement, car l’accord n’est pas encore voté, mais seulement provisoirement, car l’échéance n’est que reportée. L’affrontement entre les deux camps politiques sur la gestion des finances publiques sera d’autant plus rude en pleine campagne présidentielle, que les divergences sont profondes.
L’origine de tous les maux est bien entendu le déficit accumulé depuis plusieurs décennies et le fameux plafond de la dette, actuellement fixé à 31 381 milliards de dollars depuis décembre 2021. Le pays de l’oncle Sam a atteint ce seuil depuis le 19 janvier dernier. Cela fait donc 4 mois que le gouvernement puise dans sa trésorerie et adopte des mesures exceptionnelles pour fonctionner au quotidien, sans augmenter l’endettement du pays. Depuis 1935, le congrès fixe une limite au Trésor sur le montant total de créances émises à ne pas dépasser. Auparavant, ce plafond était imposé par émission et donc plus contraignant au quotidien. Il faut rappeler que ce n’est qu’à partir de 1917, que la gestion le de la dette a été transférée du Congrès au Trésor, sous un strict contrôle du premier. L’esprit constitutionnel outre-Atlantique est donc de maintenir le pouvoir financier au législatif plutôt qu’à l’exécutif. Le plafond de la dette a été régulièrement augmenté (presqu’une centaine de fois) depuis plus d’un siècle, dont 78 fois depuis 1960. Ce devrait donc être en théorie un évènement habituel et anodin pour les marchés. Cependant, cette étape se complique en période de fort déficit, comme actuellement à 7,33% du PIB à fin avril, car les relèvements du plafond doivent être plus fréquents. Rappelons-nous que le SARS-CoV-2 et les mesures de soutien ont provoqué une aggravation du « trou » jusqu’à 18,35% en mars 2021. L’année de tous les records est 2020, avec un déficit de 3 132 milliards de dollars (soit 15% du PIB). Il faut remonter à la seconde guerre mondiale pour recenser des déficits supérieurs en pourcentage du PIB (26,9% en 1943 et 21,2% en 1944), mais avec un montant bien moindre (respectivement à 55 et à 48 milliards de dollars). L’exercice est encore plus difficile quand le Congrès est contrôlé entièrement par l’opposition, ou divisé comme aujourd’hui, avec la Chambre des représentants à majorité républicaine et un Sénat Démocrate.
Profitons donc de cette phase de rebond et de ce répit, car le surendettement est le mal qui nous ronge. Selon l’Institute of International Finance, l’endettement mondial de tous les acteurs publics et privés a atteint un record historique à 304 900 milliards de dollars au premier trimestre, soit 282% du PIB mondial. Cette forte augmentation n’est pas due uniquement qu’aux États-Unis, mais aussi à la France, dont la note vient d’être dégradée par Fitch, au Royaume-Uni, à la Chine, au Mexique, au Brésil, à l’Inde et à la Turquie. Sans jouer les prophéties de fin du monde à la Nostradamus, plus tard on adoptera des mesures correctives, plus celles-ci devront être douloureuses. La Grèce en sait quelque chose et affiche dorénavant un déficit de 2,3% en 2022 et pourrait donc rejoindre le club des nations ayant une note de bonne qualité (Investment Grade).