Les fans l’attendaient depuis 4 ans. Le 54ème salon du Bourget se tient actuellement et constitue la grande messe mondiale de l’aéronautique. C’est dans ce lieu mythique que Charles Lindberg atterrit en 1927, le premier vol transatlantique de l’histoire. La ferveur est particulièrement palpable cette année, aussi bien du côté du public, que chez les exposants, car il s’agit de la première édition depuis la pandémie de 2020. Oublions la folie destructrice des hommes qui sévit en Ukraine, le militaire et le civil ont débarqué en force. Le public pourra ainsi admirer pas moins de 158 démonstrations en vol, au cours de la semaine, allant de la mythique Patrouille de France au Rafale, de l’antique biplan Stearman de Boeing aux hélicoptères NH-90 et H-665 Tigre.
Au-delà du superbe spectacle, les affaires sont les affaires et Airbus a décroché la timbale avec le plus gros contrat de l’histoire de l’aviation civile. La compagnie indienne low-cost Indigo a commandé 500 appareils monocouloirs moyen-courriers de type A320 et A321, soit 55 milliards de dollars, selon le dernier prix catalogue connu. Les livraisons vont s’échelonner de 2030 à 2035 et ajoutent donc de la visibilité à long terme dans l’activité de l’avionneur européen. À cela s’ajoute la commande d’Air India de 250 appareils constitués de 210 A-320Neo, A-321Neo et 40 A350, qui font d’Airbus le grand gagnant incontesté de ce salon. Cependant, l’américain Boeing, que l’on croyait en déconfiture prolongée avec les déboires de son 737 MAX, renaît de ses cendres avec une commande gigantesque de la même compagnie Air India pour 290 appareils de ce type. Comment expliquer une telle renaissance de ce secteur, voué à être sinistré pendant plusieurs années après les différents confinements ?
À la fin de 2020, le bilan de l’aéronautique et du transport aérien était catastrophique. Rien que pour la France, le GIFAS (Groupement des Industries Françaises Aéronautiques et Spatiales) faisait état d’une régression globale de 28 % du chiffre d’affaires pour l’ensemble du secteur, soit 50,9 milliards d’euros. Les clients finaux (les compagnies aériennes) affichaient des pertes colossales : 370 milliards de dollars en cumulé dans le monde. 1,4 milliard de personnes de moins qu’en 2019 avaient été transportées. Les commandes étaient décalées et certaines annulées. La crise semblait être profonde et durable. Pourtant, les dernières statistiques de l’Association du Transport Aérien International (IATA) d’avril 2023 ont démontré le contraire, selon la notion de Passagers Kilomètres Transportés (RPK en anglais). Sur les vols domestiques, le RPK est en hausse de 42,6 % par rapport à l’année dernière et affiche même une croissance de 2,9 % par rapport à la période d’avant Covid. La Chine tire le secteur vers le haut, puisque la progression annuelle est de 536 %, dépassant le niveau de 2019 de 6 %. L’Amérique du Nord est également repassée au-dessus de 2019 de 0,6 %. Le bémol est le trafic international, quoiqu’en hausse de 48 % sur un an, mais toujours en baisse de 9,5 % par rapport à 2019. Finalement, les compagnies aériennes devraient, dans leur ensemble, renouer avec les bénéfices cette année. Une situation qui leur permet sereinement d’anticiper l’avenir.
Au-delà de la croissance, la sobriété et la transition énergétique dopent l’aviation en deux temps. Tout d’abord, à court et moyen terme, la crise énergétique accélère le renouvellement des flottes pour diminuer leur coût de fonctionnement. C’est la traduction de toutes ces commandes passées actuellement au salon du Bourget. Ensuite, la transition énergétique va transformer profondément le secteur d’ici 2050, avec l’objectif d’atteindre la neutralité carbone, paraphé en octobre 2022 par l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI). Pour s’y tenir, les investissements vont être colossaux et vont consister à décarboner aussi bien les aéronefs, que l’écosystème qui les produits, et également à produire des carburants alternatifs durables (SAF), peu émetteurs de CO2. Le gouvernement vient d’annoncer un investissement de 200 M€ pour développer la production de SAF. Tous ces défis promettent une innovation forte qui devrait doper le chiffre d’affaires du secteur ces trois prochaines décennies.