C’est la panique à la hausse ! Le prix des obligations émises par de nombreux États s’est fortement tendu depuis le début du mois de juillet. Ainsi, le cours des emprunts à 10 ans du Tnote américain est passé de 101,40 à plus de 103, provoquant une baisse des rendements de 1,47% à 1,29%. Ce mouvement semble anodin, mais il a surpris les investisseurs et a généré dans le jargon un « short squeeze ». Ce terme désigne une liquidation forcée de positions vendeuses, le plus souvent à découvert.
Plusieurs facteurs sont à l’origine de ce phénomène. Le premier est lié à une position courte en duration des gérants dans un contexte de forte reprise économique et inflationniste. Dans cet environnement, les taux d’intérêts à moyenne et longue échéance se tendent, provoquant des pertes dans les portefeuilles obligataires. Pour les minimiser, les financiers détiennent des obligations à maturité plus courte. Ils réduisent ainsi la sensibilité de leur portefeuille face à la hausse des taux. Le brusque revirement de tendance a compromis cette stratégie, entraînant un retard de performance face à leur benchmark et une vague d’achats. La deuxième explication est liée aux spéculateurs et aux hedge funds, qui avaient adopté la même tactique via des dérivés, en vendant des contrats futurs à découvert. La forte hausse des prix et les fortes pertes subites les ont forcés à clôturer leurs positions, déclenchant également une vague d’achats. La troisième explication est fondamentale et donc la cause qui a allumé la mèche. Aux États-Unis, l’indice ISM des services de juin est ressorti en nette baisse et largement en dessous des attentes à 60,1, soit une baisse de 4 points depuis mai. Après un taux de chômage en hausse à 5,9% en juin, les opérateurs ont conclu à un ralentissement à venir de la croissance, surtout avec la résurgence de l’épidémie de la Covid-19, liée au variant delta. Cette conclusion explique la hausse de l’aversion au risque et la baisse des taux longs.
Ce mouvement perturbe les marchés car il porte un coup d’arrêt à la dynamique qui consistait à acheter des valeurs cycliques et des financières, au détriment de valeurs de croissance et défensives. Pour eux, la fin du thème dit de la « Réflation » signifie également vendre des actions en faveur des obligations, donc une montée de l’aversion au risque. Dans les faits, il est encore trop tôt pour enterrer l’inflation et la croissance. Même si nous sommes à l’aube de la quatrième vague de la Covid-19, avec une montée à venir des contaminations, il est difficile aujourd’hui de quantifier son impact sur une possible saturation des hôpitaux. De plus, l’inflation, même transitoire, devrait persister à un rythme supérieur à celui d’avant crise. Le marché obligataire l’évalue à 2,23% sur la prochaine décennie. Les taux réels seraient négatifs de 0,95%. Cet environnement reste favorable aux actions, malgré de nombreux soubresauts à court terme. Contrairement à 2020, nous connaissons l’impact de la crise sanitaire par secteur et privilégions une stratégie au cas par cas.