La vague pandémique liée au variant delta a atteint un récent sommet le 11 août en France et le 19 août dans le monde, en termes de contaminations quotidiennes. Le taux d’incidence est descendu en dessous du niveau des 100 dans l’Hexagone, une première depuis le 18 juillet. Les pays développés ont dernièrement mieux géré cette crise que les pays émergents, et ont pu de facto adopter des mesures de restriction au minima. Pourtant, l’ambiance chez les investisseurs est loin de l’optimisme qui prévalait à la fin des trois premières vagues épidémiques.
On peut trouver au moins deux explications à cette morosité. La première repose sur le fait que la crise sanitaire n’est pas terminée. Le virus circule toujours et d’autres attaques sont à prévoir. Les prochaines menaces peuvent venir du variant delta lui-même (à la suite d’une baisse d’efficacité des vaccins à ARN messager dans le temps), ou d’un autre variant en provenance d’un pays où le taux de vaccination est faible. Un mutation colombienne baptisée « Mu » retient actuellement toutes les attentions des virologues. Pour autant, Bogota semble maîtriser la situation pour le moment avec moins de 1800 cas quotidiens contre plus de 30 000 le 25 juin.
La seconde explication se trouve en la faiblesse actuelle des chiffres macro-économiques avec une inflation transitoire persistante. La politique de tolérance zéro a pesé en août en Chine, comme en témoignent les derniers chiffres de ventes de détail et de la production industrielle, ressortis bien inférieurs aux attentes, respectivement à 2,5% et à 5,3%. La croissance du PIB pour 2021 du pays est de facto révisée à 8,4% et par répercussion, celle aux États[1]Unis à 5,90%. Cette tendance explique le positionnement estival prudent des opérateurs qui se prolonge.
Cet attentisme est surprenant, car avec des chocs épidémiques dont les impacts sont plus faibles économiquement, on assite tout logiquement à des reprises moins fortes et à des niveaux qui se normalisent. Le coronavirus continue de perturber la chaîne d’approvisionnement mondiale. Pour les économistes, on assiste graphiquement à un déplacement entier de la courbe de l’offre vers la gauche, synonyme de baisse de production et de hausse de prix. Un phénomène vécu pendant les années 70, après les chocs pétroliers et qualifié de « stagflation ». Contrairement à l’époque, ce terme repris en cœur aujourd’hui dans les salles de marché n’est pas entièrement approprié. En réalité, la demande reste forte et ne demande qu’à être satisfaite. En effet actuellement, une fois produit, le bien ou le service trouve preneur rapidement, d’où une situation de pénurie dans de nombreux secteurs. Ce phénomène est accentué par un manque de main d’œuvre avec la crise sanitaire et des chiffres incroyables d’offre d’emplois non satisfaits (1 million en France et plus de 10 millions aux États-Unis). L’économie mondiale est donc bridée. C’est une véritable frustration pour les chefs d’entreprise, car ils perdent un chiffre d’affaires potentiel. Cette situation va perdurer encore quelques trimestres. À cela, s’ajoute la problématique de la hausse des cours des matières premières. Cette semaine, le prix de gros de l’électricité a atteint un record historique pour franchir la barre des 100 euros le mégawatt heure, soit une hausse de 120% sur un an. Cette forte progression du coût des intrants va désormais peser sur les marges de beaucoup de sociétés. Même si l’inflation de base commence a régresser au mois d’août aux États-Unis à 4% sur un an glissant, son impact se fait de plus en plus ressentir et incitent les opérateurs à plus de prudence avant la publication des résultats du troisième trimestre. La reprise change de forme et rentre dans une phase dite de « moyen cycle », synonyme de plus de sélectivité pour les investisseurs.