Cette phrase actuelle pourrait être attribuée à un banquier central ou un escroc célèbre comme Charles Ponzi. Elle remonte en réalité au XVIIIème siècle, du temps de John Law, nommé surintendant général des Finances du royaume de France en 1720. Opposé au théories bullionistes (la richesse d’un pays se mesure à la quantité de métaux précieux détenus), il prônait l’adoption de la monnaie-papier comme moyen d’échange. Avec plus d’un milliard de livres de billets de banque émis par la Banque royale pour 322 millions de livres de capital, l’argent rentrait en masse. Le cours des actions de la Compagnie, ayant le privilège de battre monnaie, fut multiplié par 40. Tout reposait dans les faits sur la spéculation, donc de l’afflux de liquidités pour un actif. Cet engouement prit fin, avec la vengeance des ennemis de John Law, des ducs et des princes exigeants de se faire convertir leurs billets contre des coffres remplis de pièces. S’ensuivit une panique chez les déposants, entraînant la faillite de la banque et la ruine de nombreux épargnants.
On croyait ces faits rangés dans les oubliettes de l’Histoire. Que nenni ! Nous vivons, aujourd’hui, un nouvel épisode de crypto-panique, après celui de mai dernier, où certaines monnaies virtuelles avaient perdu plus de 95 % de leur valeur. Cette fois-ci, le séisme ne concerne pas directement ces actifs, mais leurs lieux de trading et de dépôt. FTX, la 3ème plateforme d’échange de crypto-monnaies, derrière Binance et Coinbase, est en difficulté. Les inquiétudes ont démarré le 2 novembre avec la publication d’un document révélant une quantité importante de FTT (le jeton de l’écosystème FTX) au bilan de la société Alameda Research, spécialisée en trading et détenue par Sam Bankman-Fried, également propriétaire de la plateforme FTX. Ce jeune milliardaire américain a fait fortune avec des stratégies d’arbitrage, profitant des écarts de cours selon les pays de cotation. Or, la frontière entre les deux compagnies (Alameda Research et FTX) étant mince, le risque d’une baisse du FTT s’avère élevé. Cela explique l’annonce du week-end dernier par Changpeng Zhao, le patron de Binance, de son intention de vendre sur plusieurs mois la totalité des jetons FTT détenus par sa société, pour un montant d’environ 500 millions de dollars. Prophétie autoréalisatrice ou manipulation ? Le cours de FTT a immédiatement chuté à cette annonce, entrainant FTX dans la tourmente. Mardi, la plateforme a commencé à geler certaines opérations de retrait, augmentant les doutes sur sa solvabilité et rappelant aux investisseurs les récents déboires de la crypto Luna. Le FTT perdait 30 % mardi après-midi, entrainant dans sa chute la plupart des cryptos, juste avant l’annonce par Binance du rachat de la plateforme FTX en difficulté. Comme par hasard ! Le cours du FTT s’est alors envolé de plus de 50 % (et le Bitcoin de plus de 1 000 points par la même occasion), avant de de reperdre 80 %. Mercredi, Binance retirait sa proposition de rachat.
Un effondrement aussi rapide d’une des plus grosses plateformes d’échange de monnaies virtuelles laisse planer un doute sur l’écosystème enfer et la capacité des investisseurs à pouvoir retirer les sommes investies. Cela rappelle les évènements survenus en France trois siècles auparavant ! En réalité, la valeur d’une crypto-monnaie dépend de sa capacité à attirer de nouveaux acheteurs. Si tous les Terriens souhaitaient posséder un des 19 millions de bitcoins en circulation, son cours approcherait probablement le million de dollars. Si leurs actuels détenteurs se ruent pour les vendre, de peur de ne pas pourvoir les monétiser, alors cela ne vaudrait plus rien !