C’est un véritable électrochoc salutaire pour les marchés financiers : l’inflation ralentit aux Etats-Unis. La hausse des prix sur un an glissant est de 7,7 % en octobre, en nette baisse par rapport à septembre (8,2 %), après un pic à 9,1 % en juin dernier. Plus encourageant, l’augmentation mensuelle de l’indice de base (hors alimentation et énergie) ressort à 0,3 %. Si ce rythme plus modéré se maintenait dans la durée, la progression annualisée des prix se situerait aux alentours de 4 %, soit un niveau beaucoup plus acceptable pour la Fed, car plus en ligne avec sa politique monétaire actuelle. Cette tendance a été également constatée sur les prix à la production, qui progressent sur un an de 8 % pour l’indice général et de 6,7 % pour celui de base. Ce dernier affiche même une stabilité (soit 0 %) sur un mois.
Les investisseurs ont apprécié ces statistiques et n’ont pas hésité une seconde à modifier leurs allocations dans les portefeuilles, en augmentant le risque. Cela signifie plus d’actions (notamment technologiques), d’obligations à maturité plus longue et moins de liquidités en réserve, notamment en dollar. Cette brusque vague d’achats explique la forte progression des indices boursiers depuis le jeudi 10 novembre. Auparavant, l’extrême prudence prévalait, à l’approche de la récession, qui était même confirmée par la Commission européenne. La très grande majorité des gérants était sous-investie et les couvertures mises en place par la plupart des acteurs, dont les fonds spéculatifs, étaient à un niveau des plus élevés depuis la crise financière de 2008. À titre d’exemple, le nominal des options venant à expiration, ce vendredi 18 novembre, totalise plus de 2 100 milliards de dollars et bat tous les records. Tout le monde a été pris de court et il s’ensuivit d’une panique à la hausse, qui propulsa les principaux indices boursiers de 5 à 7 % en deux séances (du 10 et du 11 novembre).
Un tel engouement est-il durable ?
À très court terme, nous vivons actuellement la traditionnelle hausse de fin d’année. Dans un environnement où la croissance ralentit et la récession menace, avec à la clé une baisse potentielle des bénéfices par action pour 2023, ce rallye est difficilement tenable. D’autant plus que l’inflation continue de sévir en Europe (avec un pic de 11,1 % et de 11,6 % au Royaume-Uni et en Allemagne). De plus, plusieurs membres de la Fed ont récemment déclaré leur souhait de poursuivre le cycle de durcissement monétaire, avec une augmentation supplémentaire de 1 % (100 points de base) des taux directeurs de la banque centrale. Le niveau dit « terminal » se situerait donc vers 5 %. Le marché anticipe ce mouvement d’ici le printemps prochain, mais intègre également un assouplissement par la suite, qui n’est pas acquis si la hausse des prix se situe, à moyen terme, entre 3 et 4 %, plutôt que 2 % (l’objectif figurant dans les mandats des institutions monétaires). Néanmoins, un scénario de désinflation (ralentissement de la hausse des prix) est également envisageable sur le Vieux Continent dès l’année prochaine. Une telle période a été dans le passé favorable pour les marchés, comme en 1986, si elle ne correspond pas à une époque de récession, où on passe de l’inflation à la déflation, du fait d’une contraction importante de la demande mondiale. Il est encore trop tôt aujourd’hui pour se prononcer, mais si le chômage augmente peu ces prochains trimestres, malgré une contraction prévisible de l’activité cette hiver, alors le printemps risque d’être extrêmement favorable pour les investisseurs, quelle que soit la volatilité à court terme.