Le froid arrive et c’est presque la panique ! On s’attendait, depuis l’invasion de l’Ukraine en février, à une pénurie de gaz pour cet hiver et c’est celle de l’électricité qui nous guette. Pour éteindre les foyers alarmistes, après la divulgation des préparatifs de l’État pour faire face à cette éventualité, le Président de la République française et le directeur exécutif d’Enedis sont montés au front. Le premier veut contrer les « scénarios de la peur », le second se veut rassurant en affirmant le faible risque de délestage d’ici la fin de l’année. La chute de la consommation de l’ordre de 8 % sur l’année dernière est un élément crucial pour éviter le « blackout » ou la coupure généralisée si redoutée.
Quelle est réellement la demande et la production d’électricité française ? De quels pays dépendons-nous et quels sont les tendances à moyen et long terme de nos besoins électriques dans un monde futur décarboné ? Après la flambée des prix qui nous attendent en 2023, peut-on espérer une baisse ?
Selon RTE, la France vient de connaître un pic récent de consommation d’électricité de 75 666 mégawatts ce jeudi 8 décembre à 19 heures, contre un record pour 2022 de 87 025 le 14 janvier à 9 heures. Selon ses modèles de prévisions, ce chiffre pourrait dépasser le niveau des 100 000 mégawatts en cas de température moyenne nationale de -5 degrés (102 098 le 8 février 2012), avec aucun effort de sobriété. Nous ne sommes donc pas à l’abri de coupures massives en cas d’épisode hivernal rigoureux, sans la mobilisation de chacun d’entre nous. En réalité, la source de notre problème ne vient pas de Russie, mais de notre parc nucléaire vieillissant. Ainsi, les 56 réacteurs français ont une capacité théorique de 61 gigawatts (61 000 mégawatts). Dans la journée d’hier, la production maximale nucléaire a été de 37 450 mégawatts. Par quel tour de passe-passe RTE arrive à combler l’écart ? Tout simplement par les autres filières d’approvisionnement, dont les importations en provenance de l’étranger. Celles-ci ont atteint un maximum de 14 523 mégawatts à 8 heures 30, dont 9 120 d’Allemagne et le reste d’Angleterre, d’Espagne, d’Italie et de Suisse. La solidarité européenne fonctionne et le plan gaz contre électricité est une réalité. Ce serait cependant insuffisant sans les énergies renouvelables au même moment, puisque l’hydraulique, l’éolien et la biomasse ont fourni respectivement 12 286, 2 563 et 805 mégawatts. Le pic du solaire a été de 2 805 mégawatts, mais à midi évidemment. De ce fait, il faut de la pluie et des réserves suffisantes pour que les barrages puissent répondre à la demande.
Cette mixité énergétique a évidemment un coût dans un marché interconnecté en temps réel. Hier à 19 heures le prix spot de l’électricité en France avoisinait les 562 euros le mégawatt heure, au-dessus de celui de ses principaux partenaires, à l’exception de l’Espagne et du Portugal dont le prix se situait aux alentours de 170 euros. Nous sommes en train de perdre la compétitivité historique dans cette source d’énergie, alors que RTE prévoyait, dans son rapport d’octobre 2021 une consommation électrique annuelle de 645 térawatts heures en 2050 contre 430 l’année dernière. Les besoins supplémentaires liés à la croissance et à la transition écologique sont donc estimés à plus de 50 %. Le défi est immense et constitue un enjeu de pouvoir considérable si les autres zones fortement consommatrices d’énergie (Amérique du Nord et Asie) ne jouent pas le jeu pour sauver la planète pour attirer les délocalisations inévitables à court terme.