Cette semaine était très chargée en nouvelles données macroéconomiques et microéconomiques. Tout d’abord, nous avons eu les chiffres d’inflation pour le mois de janvier en zone euro, qui confirment le ralentissement de la hausse des prix sur un an glissant à 8,2% contre 9,2% en décembre. L’indice de base est toutefois ressorti inchangé à 5,2%, preuve que le mal qui ronge le pouvoir d’achat des ménages est toujours présent. Ensuite, nous avons eu les nouvelles décisions de politique monétaire de la FED et de la BCE. Ces deux institutions ont relevé le loyer de l’argent comme attendu, soit de 0,25% pour la première et de 0,50% pour la seconde. Au cours des conférences de presse, Jerome Powell et Christine Lagarde ont confirmé leur détermination à lutter contre l’inflation et ont précisé que de nouvelles hausses supplémentaires étaient à attendre, selon les données économiques, dont 0,50% pour la BCE en mars. Alors pourquoi les taux longs à 10 ans allemands (Bund), ont-ils chuté de 0,21% ce 2 février ?
Contrairement à 2022, nous sommes clairement entrés dans une période de décorrélation entre les taux directeurs des banques centrales et les taux longs. C’est inconcevable et incompréhensible pour la plupart des investisseurs, voire effrayant, car cela voudrait dire que les institutions monétaires ont perdu leur influence sur les marchés. Cette situation inquiète même le FMI. Cette forte détente des rendements obligataires, dans un cycle de hausses des taux courts se matérialise par un écart négatif de 125 points base entre la maturité à 10 ans et celle à 3 mois. Cela constitue un niveau record depuis 1982.
Historiquement, ce phénomène se produit quand le marché prédit une récession dans les mois à venir ou qu’il juge la politique monétaire trop restrictive, et donc vouée à se détendre. Tout va donc dépendre de l’évolution de l’inflation et de la croissance, alors que tous les effets négatifs de ce durcissement monétaire ne se sont pas encore fait ressentir. Sans oublier l’évolution de l’emploi et du chômage aux États-Unis qui figure au centre des préoccupations de la FED, car jugé trop excédentaire (plus d’offres que de demandes). En d’autres termes si les indicateurs économiques restent mous, les taux devraient rester bas et tout discours très haussier des banquiers aurait l’effet inverse que celui escompté, à savoir une crainte accrue de récession. Ainsi, ce paradoxe crée des conditions financières beaucoup plus favorables qui compensent partiellement la politique monétaire restrictive.
En revanche, dès lors que l’activité économique redémarrerait, avec peut-être une accélération de l’inflation en provenance de Chine, les taux longs sont susceptibles de rebondir fortement, vu la forte inversion de la courbe entre les taux à 3 mois et ceux à 10 ans.
En attendant, l’environnement de taux longs bas aussi bien que nominaux ou réels dans une période de faible croissance et de désinflation est très favorable aux valeurs de croissance. C’est le retour des fameuses « Goldilocks » en anglais et l’explication du fort rebond de l’indice Nasdaq 100, en progression de 17% depuis le début de l’année. On constate une certaine forme de complaisance sur ce segment, malgré des résultats mitigés pour les GAFAM.
Les flux reviennent et certains investisseurs profitent de cette période de main perdue des banquiers centraux. Ils peuvent commettre des excès de vitesse sans se faire flasher par les radars. Qu’ils en profitent, cela ne dure jamais éternellement !