C’est un cocorico passé quasiment inaperçu. Les banques françaises ont réussi, dans l’ensemble, à surmonter les deux dernières crises (Covid et Ukraine) sans trop laisser de plumes. La situation est évidemment dichotomique. BNP Paribas en tant que première de la classe, affiche un solide résultat net de 10,2 milliards d’euros pour l’année 2022. Ce chiffre intègre des charges de 159 et de 274 millions d’euros pour sa filiale ukrainienne Ukrsibbank. Le groupe Crédit Agricole a annoncé hier 8,14 milliards d’euros de résultat net, soit une progression de 13,1 % par rapport à 2019. Sa filiale Crédit Agricole S.A. avait passé au premier trimestre une provision de 389 et de 195 millions d’euros respectivement sur la Russie et l’Ukraine. Société Générale, en tant que société la plus exposée des trois, a publié un résultat opérationnel ajusté de 10,07 milliards d’euros, en croissance de presque 19 % sur l’année dernière. Malheureusement, l’augmentation du coût du risque à 1,67 milliards d’euros et des provisions pour pertes sur actifs à 3,29 milliards d’euros expliquent la chute de 64 % du résultat net à 2,02 milliards d’euros. Sa filiale russe Rosbank comptait un portefeuille soumis au risque de défaut de 3,2 milliards d’euros fin 2021 contre 1,8 milliards aujourd’hui. Les provisions dites « offshore » passées pour la Russie totalisent à ce jour 427 millions d’euros.
Les autres banques européennes connaissent des fortunes diverses. En Suisse, UBS surfe sur des profits de 7,63 milliards de francs suisses, tandis que le Crédit Suisse a accumulé 7,29 milliards de pertes et en prévoit encore pour 2023. C’est heureusement une exception. Dans l’ensemble, la situation financière des banques du Vieux Continent est plutôt satisfaisante et bien meilleure qu’avant la crise financière de 2008. À titre d’exemple, BNP Paribas était dotée de 53 milliards d’euros de fonds propres avant intérêts minoritaires fin 2008 pour un bilan dépassant plus de 2 000 milliards d’euros. Aujourd’hui, les fonds propres dépassent les 120 milliards pour un bilan de plus de 2 666 milliards d’euros. Si on raisonne en ratio de solvabilité Tier 1, on est passé de 7,8 % à 12,1 %, malgré une règlementation plus dure en exigence de fonds propres, surtout pour les activités de marché, dite CRD4 liée à la réforme de Bâle 3.
Ces beaux résultats et cette solidité financière ont été saluées en Bourse, puisque depuis le début l’année l’indice sectoriel bancaire Stoxx Europe 600 est en hausse de plus de 15 %. BNP Paribas est au-dessus de la moyenne avec une progression de plus de 19 %, tandis que le cours de Crédit Suisse Group a perdu presque 15 % au cours de la seule séance du 9 février, après la publication de ses résultats, et affiche encore un gain de plus de 2 % cette année, après une chute de 66 % l’année dernière.
Depuis fin 2019 et en incluant les dividendes, la performance de BNP Paribas est au-delà de 35 % (plus de 10 % annualisée), et supérieure à celle de l’indice Stoxx Europe 600 (+20,5 %) et du CAC 40 (+28,7 %). Il faut noter que la composante dividende est importante dans la performance des bancaires (15 % des 35 % pour BNP Paribas). Le rendement annuel est élevé (plus de 6 %). Le problème est que ce secteur est rigoureusement surveillé depuis la crise financière de 2008 et que la BCE peut imposer une suspension des dividendes versés par les banques, comme ce fut le cas en 2020. BNP Paribas se valorise à peine 8 fois les bénéfices par action anticipés pour 2023. Pour la poursuite de sa revalorisation, il est indispensable que la première de la classe puisse démontrer que la rémunération aux actionnaires est pérenne. Les prochaines crises le diront, ou non.