C’est une tout autre ambiance sur les marchés depuis une semaine. Le scénario central est passé d’une reprise économique dans un contexte de désinflation, à une possible récession liée au stress généralisé sur le secteur bancaire couplé à une inflation persistante et trop élevée. Ce genre de revirement provoque de forts mouvements sur les actifs financiers. Les premières victimes sont évidemment les banques. Depuis une semaine, nous nous réveillons quasi quotidiennement avec l’annonce d’une faillite ou d’un sauvetage d’une institution financière. Cantonnée au début aux Etats-Unis, voilà que l’onde de choc traverse l’Atlantique et touche le pays des Helvètes et concerne le Crédit Suisse. La banque avait déjà connu des déboires l’année dernière et avait dû être recapitalisée à hauteur de 4 milliards de francs suisses en deux volets, l’un réservé aux actionnaires existants et l’autre souscrit par des investisseurs institutionnels dont la Saudi National Bank (SNB). Celle-ci détient actuellement 9,98 % du capital devant le Qatar Investment Authority, en deuxième position à 6,80 %.
Voilà que le Crédit Suisse annonce que les comptes de 2021 et de 2022 comportent des « fragilités ». Une nouvelle peu appréciée dans cet environnement chahuté et surtout de mauvais goût pour la banque saoudienne. Son président a fait maladroitement plonger le titre mercredi 15 mars, en déclarant qu’il ne participerait pas à un nouveau tour de table. Les craintes d’une faillite ont resurgi et le contrat CDS à un an, couvrant le créancier sur le risque de défaut, a bondi de 800 à 3 700 points de base. Cela signifie, en d’autres termes, que l’investisseur anticipe une probabilité de défaut de 37% dans les douze prochains mois. Le spectre d’une faillite d’une banque systémique de type Lehman Brothers refait surface. Fort heureusement, l’expérience de 2008 a fait comprendre aux autorités, que ce genre d’évènement ne dépendait pas du niveau des fonds propres de l’institution en question, mais de ses liquidités dans un contexte de fuite des dépôts et d’explosion du coût de financement. Cela explique toutes les interventions des banques centrales pour ouvrir des facilités de crédit aux plus fragiles, dont celle spécifiquement mise en place pour le Crédit Suisse par la Banque Nationale Suisse, à hauteur de 50 milliards de francs suisses. Ces mesures viennent en complément de la décision du Trésor américain de garantir aux Etats-Unis, via le fonds de garantie FDIC, tous les dépôts de la Silicon Valley Bank (SVB) sans aucune limite.
Le côté positif est la forte réactivité des autorités avec des outils efficaces qui permettent d’éteindre l’incendie avant qu’il ne se propage davantage. Néanmoins, la mémoire collective de 2008 reste bien ancrée chez les investisseurs et ceux-ci réclament une opération vérité auprès de chaque établissement bancaire. Cela va prendre plusieurs semaines, au minimum, pour connaître le montant exact des pertes et des expositions aux sinistrés. De plus, il est encore trop tôt pour évaluer la réaction des déposants et les sommes transférées vers des banques jugées plus sûres. Les premiers chiffres sont assez éloquents. Selon les données recueillies, les banques américaines auraient emprunté pour 550 milliards de dollars auprès des différentes facilités de crédit mises en place. Cela semble indiquer un début de mouvement vers des bons du trésor. Nous ne manquerons pas de suivre l’évolution de cet indicateur crucial.
En zone euro, l’excédent de liquidités est toujours gigantesque à plus de 4 064 milliards d’euros. Même s’il a baissé de 108 milliards d’euros en une semaine, la situation n’a pas empêché la BCE de relever son taux de dépôts de 0,50 % à 3 %. La détermination de la banque centrale à lutter contre l’inflation est restée intacte car jugée trop élevée. Après tout, la crise concerne des banques en-dehors de la zone euro. Dans ce contexte volatil et agité, nous jugeons préférable d’avoir une approche défensive vers plus de valeurs de santé et de croissance et moins de financières et de secteurs cycliques.