C’est un nouveau record historique : 3 085 milliards d’euros de réserves excédentaires ont été déposées par les banques à la BCE, ce mercredi 30 septembre. Selon le rapport quotidien des conditions de liquidités, jamais les institutions européennes de crédit n’ont disposé d’autant de cash. Plus surprenant, cet excédent subit un intérêt négatif de 0,50 % annualisé, soit un coût potentiel de 15 milliards d’euros par an. En fait, ce chiffre pharamineux est le fruit des politiques monétaires accommodantes successives depuis presqu’une décennie. Cet emballement ne date pas de la crise financière de 2008, puisqu’à l’époque, en septembre, cet indicateur avait été négatif pendant quatre séances successives avant la faillite de Lehman Brothers. Les mesures non conventionnelles avaient été justement adoptées au moment où le crédit interbancaire était totalement grippé. Les tensions avaient mis plus de trois ans avant de se dissiper réellement, malgré les nombreuses injections de Francfort. Le dernier jour où ce solde était débiteur date de novembre 2011, lors de la traditionnelle période mensuelle de fin de constitution de réserves. On peut donc considérer que depuis début 2012, la BCE en fait plus qu’il n’en faut.
Faut-il s’en inquiéter et cette politique monétaire est-elle finalement inefficace ?
Les réserves excédentaires auprès de la FED ont atteint également, début juin, un sommet de 3 253 milliards de dollars, avant de se contracter cet été. Ce sont donc les principales banques centrales de la planète, qui vont donc au-delà de leur mission de stabilité du système financier. Pour honorer leur mandat (croissance et inflation maîtrisée), elles ont dû adopter, une série de programmes d’achats de dettes. Cette arme a été utilisée pour faire face à des crises diverses (économiques, sanitaires et celles de dettes souveraines). Les leçons des chocs passés ont été retenues et nos gendarmes monétaires ont par conséquent, et avec succès, stabilisé les conditions de financement des banques, des entreprises et des États. Les taux bas de tous ces agents économiques en sont bien la démonstration. De surcroît, sur son site internet, la BCE ne qualifie pas cet argent de « dormant », se justifiant que la véritable matrice à surveiller est la croissance des crédits. Celle-ci affiche en août une progression sur un an glissant de 3 % aux particuliers et de 7,1 % aux entreprises non financières. Le revers de cette machine infernale est une addiction, à titre de précaution, à toujours plus d’argent, à une surévaluation de certains actifs, ainsi qu’à un gonflement des bilans des banques centrales, d’où des risques plus importants. De surcroît, les périodes de normalisation sont sources de stress pour les opérateurs. Nous l’avons constaté lors du second semestre 2018, avec un fort décrochage des actions et des obligations privées de mauvaise qualité. En cette période-là, l’inflation nominale dans la zone euro dépassait les 2 % et le resserrement s’est produit en même temps qu’un ralentissement de l’activité.
Aujourd’hui, l’inflation nominale est négative sur un an glissant dans la zone euro (-0,2 % en août). La reprise après le confinement a bien eu lieu, toutefois, celle-ci marque le pas avec des poches de résistance. L’indicateur PMI manufacturier a été confirmé en hausse le mois dernier à 53,7. Le problème se situe toujours au niveau des services et plus particulièrement à ceux dépendant du tourisme. Malheureusement, pour eux, les grands argentiers ne peuvent pas aller directement à leur secours.