C’est un paradoxe qui ne s’était pas produit depuis mars dernier. La récente hausse de l’aversion au risque, synonyme d’une volatilité sur les actions, ne s’est pas traduite par une baisse des taux longs sur les obligations souveraines. Pourtant, la propagation du coronavirus a entrainé de nouvelles mesures de restriction sanitaire en Europe. L’Irlande et le Pays de Galles ont ainsi opté pour un nouveau confinement, très dommageable pour leurs économies. Le but de cette mesure est bien de sauver la période de Noël, si cruciale pour les commerces et autres secteurs liés à la consommation des ménages. Jeudi 22 octobre, la France a étendu le couvre-feu avec désormais 54 départements concernés. Ces nouvelles contraintes vont très clairement pénaliser l’activité au cours du quatrième trimestre. La logique aurait voulu que cette décroissance qui s’annonce, se reflète par des taux plus bas. Il n’en est rien.
L‘explication ne se trouve pas en Europe mais outre-Atlantique. La triple élection américaine (présidentielle, Chambre des Représentants et Sénat) aura lieu dans moins de quinze jours. Le marché a clairement fait un choix, malgré la possibilité d’un dénouement indécis dans certains États fédéraux : une victoire totale de Joe Biden. Même s’il n’est pas encore acquis, un succès total des Démocrates (vague bleue) aurait, pour les investisseurs, des conséquences sur les déficits fiscaux, la fiscalité et l’activité de certains domaines liés à l’environnement. Les premières mesures concerneraient un nouveau plan de relance massif, potentiellement supérieur à plus de 2 000 milliards de dollars, déjà souhaité par la Chambre des Représentants actuelle, à majorité anti-Trump. L’accumulation de ces dépenses depuis plusieurs décennies, et plus particulièrement cette année, a fait exploser l’encours de la dette publique à plus de 125 % du PIB. Le déficit annuel monstrueux estimé à plus de 15 % du PIB pour cette année, va entrainer des émissions record d’obligations du Trésor américain au cours des prochains trimestres. Cette angoisse de surabondance de papiers, malgré les achats massifs de la FED, est bien la cause de la récente hausse des taux longs aux États-Unis. Celle-ci se reflète encore modérément sur le Vieux Continent.
Pourtant, les marchés financiers sont partagés entre plusieurs forces qui s’opposent. Du côté positif, la période des résultats du troisième trimestre, qui vient de débuter, confirme une nette amélioration opérationnelle par rapport aux attentes, mettant fin aux révisions négatives des analystes. De plus, les politiques fiscales expansionnistes évoquées ont permis d’atténuer un choc violent. Les liquidités abondantes, liées aux politiques monétaires ultra-accommodantes des banques centrales, écartent à court terme une crise financière de type Lehman Brothers en 2008. De surcroît, les espoirs d’une commercialisation d’un vaccin contre le SARS-CoV-2 au cours de ces prochains moins éclipsent, partiellement et temporairement, la menace de nouvelles contraintes sanitaires de plus en plus lourdes. Du côté négatif, le virus circule trop et menace une reprise plus pérenne, qui a nécessité des moyens colossaux de la part des États et des grands argentiers. Nous risquons de souffrir encore quelque temps, avant d’obtenir une immunité collective naturelle ou inoculée. Cependant, la perspective d’une fin de crise pour 2021 est le facteur déterminant qui devrait soutenir les bourses mondiales à moyen terme, malgré des soubresauts à court terme.