C’est une situation inédite depuis l’an 2000. Nous ne connaissons pas le nom du prochain président américain au soir de l’élection. Ce qui est cocasse, ou pitoyable, c’est que nous ayons encore deux vainqueurs convaincus. D’un côté, le challenger Joe Biden a gagné le vote populaire, avec plus de la majorité des suffrages exprimés. Celui-ci est en tête et proche de la ligne d’arrivée, située au niveau des 270 grands électeurs. De l’autre côté, le président sortant Donald Trump a proclamé sa victoire à 2 heures du matin, au moment où celui-ci menait dans la plupart des scrutins restants. Il a saisi la Cour suprême pour fraude électorale. L’objet de la polémique : les bulletins votés par correspondance et datés du jour du scrutin au plus tard, le cachet de la poste faisant foi. Ces derniers continuent d’arriver au fil de l’eau plusieurs jours après et sont actuellement considérés comme valables.
Nous sommes donc dans le scénario d’une élection contestée, initialement redouté par les marchés. Pourtant, les bourses mondiales ont fortement monté cette semaine, en dépit de cet imbroglio politique. Surprenant, n’est-ce pas ? Les explications sont diverses et parfois contradictoires. Tout d’abord, par prudence, les stratèges avaient sous-pondéré les actions dans leur portefeuille, avant cette échéance. Il s’agit de la fameuse peur de l’inconnu. L’évènement passé, les investisseurs peuvent de nouveau mieux quantifier l’ampleur des risques qui les attend. La deuxième raison réside sur le fait que contrairement à 2000, le litige porte sur plusieurs États, de moyenne importance. Une issue favorable pour le prétendant démocrate dans un seul d’entre eux est suffisant pour remporter la mise. Enfin, la vague bleue, tant attendue, a manqué de tonus. Donald Trump a reçu plus de voix qu’en 2016, démontrant ainsi sa popularité résistante auprès de l’électeur républicain traditionnel. Ces irréductibles ont bloqué le raz de marée bleu à la Chambre des Représentants et au Sénat. Potentiellement, la majorité démocrate pourrait être réduite au sein de la première assemblée et les Républicains pourraient conserver la seconde. C’est le fameux cas où un président doit gouverner avec un Congrès divisé. Les opérateurs ont vu le verre à moitié plein, en concluant hâtivement à l’absence de nouvelles règlementations contraignantes pour le secteur technologique, pharmaceutique et financier, ainsi qu’à l’absence d’une hausse sensible de la fiscalité des entreprises. Ce soulagement a fait grimper les indices actions. Le verre à moitié vide est illustré par l’absence d’un immense plan de relance souhaité par le futur locataire de la Maison Blanche, notamment dans les infrastructures et les énergies renouvelables. En période de pandémie, cela peut peser sensiblement sur la croissance. Néanmoins à ce stade, il est encore prématuré de conclure. En cas de victoire, Joe Biden peut encore détenir les pleins pouvoirs. Le sort du Sénat n’est pas encore scellé : il reste encore quatre sièges à départager, même si les Républicains font la course en tête dans trois d’entre eux. Grâce aux votes par correspondance, le sort de deux États peut encore basculer. Dans cette hypothèse, le Sénat pourrait devenir démocrate, grâce à la voix prépondérante du futur vice-président en cas d’égalité des sièges. L’affaire est donc à suivre jusqu’au 14 décembre, date du vote des grands électeurs et jusqu’au 5 janvier pour le second tour des sénatoriales en Géorgie. Il convient donc de s’armer de patience et de suivre la situation en fonction du déroulement des prochains évènements et de potentiels retournements de situation.